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Résultats de l’enquête Trajectoires et Origines de l’INED

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablelundi 25 janvier 2016

Présentation de l’enquête sur le site dédié de l’INED

"L’enquête TeO vise à identifier l’impact des origines sur les conditions de vie et les trajectoires sociales, tout en prenant en considération les autres caractéristiques sociodémographiques que sont le milieu social, le quartier, l’âge, la génération, le sexe, le niveau d’études.
Les questions d’intégration et de discrimination occupent une place importante dans les débats publics. Mais aujourd’hui la France manque encore de statistiques nationales permettant d’étudier ces phénomènes. L’enquête TeO est conçue pour combler ces lacunes.

TeO s’intéresse à toutes les populations vivant en France métropolitaine, à leurs conditions de vie actuelles et à leurs parcours. L’enquête porte cependant un intérêt particulier aux populations qui peuvent rencontrer des obstacles dans leurs trajectoires du fait de leur origine ou de leur apparence physique (immigrés, descendants d’immigrés, personnes originaires des DOM et leurs descendants).

L’enquête TeO a été réalisée conjointement par l’INED et l’INSEE. Elle a été rigoureusement contrôlée par les organismes qui encadrent la statistique publique (CNIS ; CNIL). Elle respecte scrupuleusement le droit des enquêtés : les personnes ont été enquêtées de manière volontaire et anonyme.

La collecte (auprès de 22 000 répondants en France métropolitaine) s’est déroulée entre septembre 2008 et février 2009. Toutes les publications liées à l’enquête TeO sont accessibles dans la rubrique Résultats/Publi." du site dédié de l’INED

Télécharger le fascicule de présentation contenant le sommaire, l’introduction et la conclusion de l’enquête
Site dédié de l’INED, PDF - 30 pages - 1 Mo

Tribune de membres de l’équipe de recherche dans Libération

Les discriminations racistes existent et résistent (Extraits)

Par Cris Beauchemin, Chercheur à l’Ined , Christelle Hamel, Chercheur à l’Ined et Patrick Simon, Chercheur à l’Ined

« Les résultats de l’enquête « Trajectoires et Origines » montrent qu’en France, l’on ne peut pas réduire les discriminations racistes à des facteurs socio-économiques et encore moins à des postures victimaires de la part des discriminés.

Les discriminations racistes existent et résistent

Alors que les travaux se multiplient depuis une dizaine d’années pour mettre en évidence l’existence d’inégalités liées aux origines en France, trois types de réserves s’expriment communément dans les débats publics à propos du diagnostic de discrimination. La première réserve consiste à expliquer les écarts par origine par les seules inégalités sociales : l’échec scolaire plus marqué des descendants d’immigrés s’expliquerait essentiellement par la classe sociale de leurs parents et, par la suite, leur surchômage s’expliquerait par leur moindre niveau d’éducation. La deuxième réserve consiste à minorer la portée des déclarations de discrimination en considérant qu’elles relèvent d’une posture victimaire : les personnes qui se disent discriminées auraient tendance à surestimer le rôle de leur origine ou de leur apparence physique dans l’interprétation de leurs expériences négatives.

[…]

Autrement dit, les écarts persistants selon l’origine s’expliqueraient par des caractéristiques que l’on n’observe pas (l’étendue et la qualité des réseaux sociaux, dont on sait qu’ils sont essentiels pour trouver un emploi). Mais les analyses issues de l’enquête TEO montrent que ces inégalités dans l’accès à l’emploi, de même que les décotes salariales, sont corrélées au vécu des discriminations. Les personnes qui sont au chômage, et qui devraient être en emploi compte tenu de leurs caractéristiques (chômage inexpliqué), sont aussi celles qui déclarent avoir subi des traitements injustes ou inégalitaires dans leur carrière professionnelle. Il y a bien dans le surchômage des minorités visibles une part significative de discrimination.

Deuxièmement, les résultats de l’enquête TEO montrent que, dans l’immense majorité des cas, les personnes qui déclarent avoir subi des discriminations n’exagèrent pas quand elles rapportent leurs expériences. D’une part, la corrélation déjà évoquée entre le chômage inexpliqué et le vécu de traitements injustes ou inégalitaires indique que les déclarations sont fondées sur des faits objectivement observés. D’autre part, les enquêtés tendent à sous-déclarer les discriminations dont elles sont l’objet lorsqu’elles répondent à une question du type « Avez-vous subi des traitements inégalitaires ou des discriminations dans les cinq dernières années ? ». Ainsi, 49 % des fils d’immigrés subsahariens disent avoir été discriminés. Mais ils sont plus nombreux encore (57 %) à rapporter au moins une situation concrète de traitement défavorable à l’école, dans la vie professionnelle, dans la recherche d’un logement ou encore face aux services publics. Ce décalage indique que les déclarations de discriminations tendent, en fait, à sous-estimer l’étendue des préjudices vécus.

[…]

En somme, pour les derniers sceptiques, les résultats de TEO lèvent tout doute sur l’existence de discriminations racistes à l’encontre des minorités en France. Leurs conséquences ne se limitent pas à entraver la réussite scolaire des enfants d’immigrés, à les maintenir dans des quartiers défavorisés, à les tenir à distance du marché du travail ou à poser un plafond de verre à leurs carrières professionnelles. Elles bloquent la mobilité sociale et érigent des frontières dans tous les domaines de la vie sociale. Les pouvoirs publics ne peuvent ignorer plus longtemps ces résultats convergents. La parole publique s’est faite trop discrète sur ce phénomène qui détruit la cohésion de la société française. Il est plus que temps d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques volontaristes de lutte contre les discriminations racistes, et de construire des instruments permettant d’établir les diagnostics et de mesurer leurs évolutions. »

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