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Quand les responsables se soucient des conséquences : L’application pragmatique de la laïcité à l’école

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablemardi 16 juin 2015, par Clémentine VIVARELLI

Article paru dans la revue Migrations Société, vol.26, n°155, sept-oct. 2014, p. 181-191

"Les modes de gestion des manifestations religieuses à l’école qui vont être exposés par la suite sont des exemples (parmi d’autres) de ce que nous avons relevé d’un travail de terrain réalisé de 2007 à 2012 dans le cadre d’une thèse de doctorat en sociologie soutenue le 1er avril 2014 à l’université de Strasbourg : La Laïcité à l’école : une croyance normative entre éthique de responsabilité et éthique de conviction"

Extraits

Introduction

[...]

L’article est disponible au téléchargement sur le site "Islam et Laïcité" (PDF - 11 pages - 84,1 ko)

« Si la visibilité de l’islam en contexte scolaire est souvent appréhendée par les médias sous l’angle de la conflictualité, et ce en raison d’une lecture laïciste de la réalité sociale, qu’en est-il réellement sur le terrain ? Les acteurs scolaires sont-ils confrontés à une montée des problématiques religieuses ? Les manifestations de l’islam génèrent-elles des conflits dans le domaine éducatif ?

L’enquête réalisée amène à relativiser les discours médiatiques sur le phénomène. On voit en effet que les conflits liés à la manifestation de l’islam à l’école constituent une réalité marginale et sont loin de générer des tensions déstabilisantes pour les acteurs scolaires. Ces derniers se révèlent au contraire à l’origine de la mise en place de nombreux aménagements des signes religieux et de la pratique religieuse des usagers. Largement méconnus, ces modes de gestion témoignent d’une application qu’on peut nommer « conséquentialiste » de la laïcité, pour emprunter un vocable à la théorie de l’action publique. La majorité des acteurs scolaires mettent en œuvre une éthique du compromis et de l’adaptation des moyens de l’action aux caractéristiques de la réalité scolaire ainsi qu’aux conséquences et aux objectifs de l’action. »

Conclusion

[...]

« Pour le formuler en d’autres termes, les pratiques professionnelles des acteurs scolaires sont traversées par une tension entre, d’un côté, l’impératif de neutralité et le respect des règles et des lois inhérentes aux principes de laïcité qui leur sont imposés en tant que représentants publics de l’État et, de l’autre, le souci de faire preuve de pragmatisme et de s’adapter aux caractéristiques de la réalité scolaire quotidienne. Ces conclusions rejoignent les analyses de Jacques Commaille sur l’application du droit par les magistrats français. Alors que certains agissent en garants du référentiel institutionnel et sont soucieux de faire respecter
un méta-ordre étatique de la justice indépendant de la société civile, d’autres adoptent des attitudes pragmatiques orientées par un souci de la justice incarnée dans la réalité sociale. Tandis que certains juges et magistrats s’assurent du respect des lois, d’autres se présentent comme des « opérateurs du social ».

Cette division entre deux types d’éthique guidant les pratiques professionnelles des acteurs scolaires renvoie en parallèle à la problématique du sens donné à l’institution scolaire. Elle est considérée comme la clef de voute du projet républicain en tant qu’instance étatique dédiée à la formation de la citoyenneté universelle d’un côté, et comme une école ouverte au pluralisme et perméable à la société civile de l’autre.
Il se peut que la prédominance d’une éthique de responsabilité orientant les pratiques professionnelles des acteurs scolaires, fondée sur une rationalité pragmatique et « conséquentialiste », illustre plus profondément une crise de la légitimité de l’Etat en tant qu’instance garante de l’ordre social et du respect des normes générales et impersonnelles. Elle traduirait alors, comme le suggèrent certains philosophes, la montée en légitimité d’un ordre politique et social postmoderne, marqué par le pluralisme, le relativisme et le pragmatisme, et fondé sur une éthique de la discussion et de la négociation, où « une norme ne peut prétendre à la validité que si toutes les personnes qui peuvent être concernées sont d’accord (ou pourraient l’être) en tant que participant à une discussion pratique sur la validité de cette norme. »

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