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Extraits
« S’interroger sur les causes des difficultés scolaires rencontrées par certains élèves en Nouvelle Calédonie revient toujours, peu ou prou, à mettre en avant des causes psychologiques. Le constat ne s’applique pas en tant que tel spécialement à la NouvelleCalédonie, en témoigne l’essor de la psychopédagogie dans la formation dispensée dans les Ecoles Normales en France lors de leur réouverture après la seconde guerre mondiale. Mais ce qui fait la spécificité des discours sur l’Ecole en NouvelleCalédonie peut se résumer provisoirement à deux éléments : d’une part, les causes psychologiques sont restées prédominantes dans les représentations (alors même que la sociologie de l’éducation devenait, si ce n’est hégémonique, du moins prépondérante en France à partir des années 1970), d’autre part ces causes ne relèvent pas de la psychologie individuelle, mais d’une hypothétique psychologie collective.
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Le souci d’identifier un rapport à la réussite scolaire spécifiquement kanak conduit certains participants à produire des énoncés pour le moins surprenants : « La conception de la réussite n’est pas comprise de la même façon par tous. Des « chômeurs en tribus » vivent exactement comme ceux qui sont salariés ». « Par ailleurs, il y a peu de pression familiale et sociale pour réussir. Dans le milieu kanak, ceux qui ont « échoué » ne sont pas rejetés. Ils font toujours partie de la communauté indépendamment de leur cursus, de leurs diplômes ».
Ce type d’énoncés est l’aboutissement logique de cette tendance de long terme d’une part à absolutiser la différence sur une base « culturelle », d’autre part à ignorer les lignes de fracture internes au « milieu kanak ». De tels jugements laissent accroire que les Kanak, tous les Kanak, parce que kanak, sont indifférents au devenir scolaire de leurs enfants, d’autre part qu’ils se soucient comme d’une guigne de l’accès aux ressources monétaires que constitue le fait de disposer d’un emploi salarié, ce que toutes les enquêtes empiriques démentent. Ils constituent en ce sens une bonne base pour voir de quoi pourrait procéder un dépassement de la perspective culturaliste qui domine les interrogations sur les difficultés scolaires.
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Le souci d’identifier un rapport à la réussite scolaire spécifiquement kanak conduit certains participants à produire des énoncés pour le moins surprenants : « La conception de la réussite n’est pas comprise de la même façon par tous. Des « chômeurs en tribus » vivent exactement comme ceux qui sont salariés ». « Par ailleurs, il y a peu de pression familiale et sociale pour réussir. Dans le milieu kanak, ceux qui ont « échoué » ne sont pas rejetés. Ils font toujours partie de la communauté indépendamment de leur cursus, de leurs diplômes ».
Ce type d’énoncés est l’aboutissement logique de cette tendance de long terme d’une part à absolutiser la différence sur une base « culturelle », d’autre part à ignorer les lignes de fracture internes au « milieu kanak ». De tels jugements laissent accroire que les Kanak, tous les Kanak, parce que kanak, sont indifférents au devenir scolaire de leurs enfants, d’autre part qu’ils se soucient comme d’une guigne de l’accès aux ressources monétaires que constitue le fait de disposer d’un emploi salarié, ce que toutes les enquêtes empiriques démentent. Ils constituent en ce sens une bonne base pour voir de quoi pourrait procéder un dépassement de la perspective culturaliste qui domine les interrogations sur les difficultés scolaires.
Pour une lecture postculturaliste : quelques réorientations possibles
On assiste depuis trois décennies, avec la réappropriation locale de la théorie des discontinuités culturelles, à un tour de passepasse conceptuel, puisque l’on glisse sans autre forme de procès à la mise en exergue d’un ethos de classe à un ethos ethnicisé. Mais, contexte postcolonial aidant, cela ne peut se faire qu’à condition de considérer les théories de la domination comme du « prêt à porter », alors qu’il faudrait du « sur mesure ». Pour coller au plus près de la réalité sociale et scolaire contemporaine, il faudra probablement en passer par un certain nombre de ruptures.
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Pour aller plus loin
Marie Salaün, Décoloniser l’école ? Hawai’i, Nouvelle-Calédonie. Expériences contemporaines, PUR, 2013
Comment penser une éducation postcoloniale ? Cet ouvrage analyse empiriquement deux cas de décolonisation inachevée dans le Pacifique, et deux modèles nationaux a priori incomparables : celui des États-Unis d’Amérique à Hawai’i et celui de la France en Nouvelle-Calédonie. L’institutionnalisation récente d’un enseignement des langues et cultures autochtones est un angle privilégié pour saisir la portée du mot d’ordre d’une « décolonisation » de l’école.