Accueil > Ressources > Recherches et analyses > Thèses, mémoires et études > Les discriminations à l’école : du déni à la lutte contre les discriminations

Les discriminations à l’école : du déni à la lutte contre les discriminations

ou comment la mise en évidence des discriminations à l’école interroge-t-elle les pratiques enseignantes ?

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablemardi 2 décembre 2014, par Fabienne FERRERONS

Mémoire de Master 2 "Inégalités et Discriminations", IETL université Lyon 2

Téléchargement

Télécharger le mémoire "Les discriminations à l’école : du déni à la lutte contre les discriminations" (92 pages - 11,7 Mo)

Sommaire

- Introduction
- I- Une étude quantitative pour identifier des parcours d’élèves inégaux en fonction de certains critères
- II- Une étude qualitative d’entretiens et d’observation pour identifier des pratiques enseignantes discriminatoires
- IV- La reconnaissance du sujet permet des pistes de réflexion
- Conclusion

Extraits

Introduction

[...]
L’école remplit-elle ce rôle de permettre à tous ses élèves de s’épanouir et trouver une place dans la société ? Sans doute que pour répondre à cette question, il faut interroger les élèves eux-mêmes. Lors d’un colloque sur la discrimination dans l’Education , un collectif de jeunes (Vivre Ensemble l’Egalité) a pris la parole pour exprimer des discriminations ressenties par les élèves à l’école. « Nous sommes un collectif d’une trentaine de jeunes, âgés de seize à vingt-et-un ans. Tous directement concernés par les discriminations racistes, nous avons tous vécu au moins une expérience de discrimination. […] Au moment de l’orientation à l’école, on a bien vu qu’être noir ou arabe n’était pas la même chose qu’être blanc ; par exemple, avec 17 de moyenne, l’un d’entre nous s’est vu proposer par la conseillère d’orientation une entrée en CAP peintre en bâtiment. Il est en Tec de Co aujourd’hui. Avec 14 de moyenne, le conseil de classe a proposé à un autre collègue d’aller en filière technique, alors qu’une autre collègue blanche avec la même moyenne a été dirigée en seconde générale. […] A la recherche d’un stage, plusieurs d’entre nous avons essuyés des refus alors que le camarade blanc qui passait après nous sur les mêmes lieux a été accepté. »

Ces élèves semblent avoir été victimes de discrimination, et non pas sociale comme l’évoquent la plupart des ouvrages sur le sujet, mais bien raciale, ou raciste pour reprendre leurs propos. Cette qualification explique que les racisés (noirs, arabes) n’existent pas en soi et sont produits par les discriminations. L’école peut-elle discriminer ses élèves ? Qu’est-ce qu’une discrimination ? Etablir une discrimination suppose trois conditions : c’est un acte ou un processus de traitement différencié qui est basé sur un critère prohibé par la loi.

Une discrimination ne suppose donc pas forcément d’intentionnalité, de croyances racistes, sexistes... On peut discriminer dans nos pratiques de manière inconsciente, ou bienveillante. Par exemple on peut chercher à compenser un handicap pour ramener un minoritaire dans la norme majoritaire sans la remettre en question ou ne pas chercher à remettre en question des représentations limitantes qu’on a.

Pourtant, il est important de se rendre compte de ces processus potentiellement discriminatoires, car ils permettent de reproduire et légitimer des inégalités, et ils peuvent avoir des conséquences très importantes pour ceux qui la subissent : maintien dans des positions subalternes, souffrance, auto-limitation des ambitions, perte de confiance, agressivité, identification ethnique ou religieuse...

Pour l’ADRI (Agence pour le développement des relations interculturelles) , « La discrimination désigne une opération de séparation volontaire d’un groupe de personnes en fonction d’un attribut spécifique en vue de lui appliquer un traitement inférieur ou d’entraver son accès à différents biens, services, espaces, statuts ou droits. À ce titre, les discriminations sont aussi l’expression d’une domination ; cumulées, elles produisent des inégalités. Du reste, les discriminations ne se limitent pas aux seuls critères ethniques mais également à tous types d’attributs : physiques, psychologiques, sociaux, religieux, etc. » L’école n’étant pas « étanche » aux logiques de fonctionnement de la société dans laquelle elle s’inscrit, elle n’est pas à l’abri de pratiques discriminatoires. Quand on parle de discrimination à l’école, on ne parle pas de « discriminations entre élèves. » Discriminer est un acte de pouvoir, la discrimination peut donc difficilement se trouver entre les élèves, mais plus dans des pratiques, dans un fonctionnement institutionnel. Or, il existe un blocage de la reconnaissance de l’existence de pratiques discriminatoires à l’école.

Ces éléments invitent à se poser plusieurs questions. L’école discrimine-t-elle ? Quelles pratiques enseignantes peuvent avoir des risques discriminatoires ? Pourquoi les enseignants ne s’emparent pas de cette question, malgré leurs valeurs égalitaristes ? Nous essaierons de nous éloigner du discours sur l’élève pour étudier les pratiques des professionnels de l’éducation et le fonctionnement institutionnel de l’école. Le but de ce mémoire n’est pas de mettre en accusation ou de culpabiliser ceux qui travaillent, c’est au contraire nous inciter, tous, à assumer nos responsabilités ici et maintenant et à agir pour réaliser concrètement l’égalité.

Problématique

Dans une école porteuse de la valeur d’égalité, existe-t-il des pratiques discriminatoires, comment les identifier, les faire reconnaitre et lutter contre ?

[...]

IV- La reconnaissance du sujet permet des pistes de réflexion

[...]

Le principal problème de la lutte contre les discriminations, c’est que cette question n’est ni reconnue, ni définie nationalement. Il faut donc sans cesse le traiter par l’expérimentation, d’autant plus que c’est un problème dénié dans toutes les institutions nationales et dans l’école, surtout pour les questions ethno-raciales. Donc, l’action qui vise à lutter contre les discriminations, vise en réalité d’abord et toujours à les dévoiler. Dans la définition qu’on veut faire de ce problème, on ne prend pas en compte l’avis de ceux qui vivent la discrimination ou les préconisations qu’ils pourraient proposer. Chacun des acteurs doit au contraire co-construire cette définition, avec des controverses, du conflit à cultiver, un débat qui va permettre la définition de ce problème des discriminations.

Ouvrir les débats sur les discriminations viendraient enrichir d’autres débats en cours actuellement à l’école, comme le racisme, la violence, la laïcité. « Cela m’intéresserait de travailler dans cette commission laïcité, si en parallèle on travaille sur la lutte contre les discriminations qui me semble apporterait plus de légitimité au discours sur la laïcité auprès des jeunes et des familles. » Cette ouverture permet pour tous les témoins d’apaiser les conflits qu’apportent ces questions dites sensibles.

[...]

Voir en ligne : Voir la présentation de l’analyse quantitative du parcours d’élèves dans un collège : "Des parcours différenciés au collège"

Répondre à cet article