L’approche anti-discriminatoire se différencie d’abord de l’action antiraciste usuelle en France, qui aborde les problèmes par les dimensions surtout cognitive et morale. Le racisme étant d’abord défini par le champ des idées (idéologies, etc.), l’antiracisme français – qui est largement un antiracisme d’Etat - a pour horizon de faire « changer les mentalités » pour les conformer à un discours hégémonique entre égalité formelle et tolérance interculturelle. Pour cette raison, l’antiracisme entretient le tabou autour de la problématique ethnico-raciale (un interdit de penser et de nommer), tout en en prolongeant souvent des croyances essentialistes (avec le thème des « différences » ou des « cultures »...).
Antidiscrimination | Antiracisme | |
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Registre de référence | Actes, pratiques | Représentations, idéologie |
Norme régulatrice | Légale | Morale |
Principe d’arbitrage de la légitimité | Autorisé/interdit | Bien/mal |
Logique d’action | Responsabilisation et adaptation du travail | Culpabilisation et éducation interculturelle |
Visée de l’action | Conformation des actes et des pratiques au sens du droit (égalité des droits et égalité de traitement) | Changement des mentalités au sens moral (connaissance de l’Autre et tolérance) et/ou maintien du tabou |
Types d’action | Soutien aux discriminés, punition et publicité des délits, formation des acteurs, information sur le droit, intégration dans les procédures et les organisations de contrôles et de veille anti-discriminatoires... | Education contre le racisme, sensibilisation aux préjugés, promotion de l’image des groupes, minorisés et/ou de l’interculturalité, communion autour des grands principes, stigmatisation des écarts... |
Dans les faits, le discours antiraciste semble souvent soluble dans l’idéologie « nationale- républicaine », dont il partage non seulement le référent national(iste) mais aussi la visée « pastorale » : guider les mentalités vers une représentation idéalisée et pacifiée de la « communauté nationale », principalement par des opérations de conviction et de communion morale [1]. D’où le caractère d’évidence que l’action passerait nécessairement par « l’éducation »... Par défaut de convaincre, l’antiracisme développe un droit répressif au risque d’en tordre les logiques par la recherche d’une incrimination de plus en plus étendue jusqu’à récuser implicitement la liberté d’opinion (cf. le slogan selon lequel « le racisme est un délit », qui « ne fait qu’instaurer un délit d’opinion » [2]). A l’opposé, la logique antidiscriminatoire concentre ses efforts sur la dimension pratique - et pas d’abord sur les idées.