Accueil > Ressources > Le concept de discrimination : éléments de repères et de clarification > Antidiscrimination et antiracisme

Antidiscrimination et antiracisme

Le concept de discrimination : éléments de repères et de clarification - partie 5

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablevendredi 28 février 2014, par Fabrice DHUME

- L’approche anti-discriminatoire se différencie d’abord de l’action antiraciste usuelle en France, qui aborde les problèmes par les dimensions surtout cognitive et morale. Le racisme étant d’abord défini par le champ des idées (idéologies, etc.), l’antiracisme français – qui est largement un antiracisme d’Etat - a pour horizon de faire « changer les mentalités » pour les conformer à un discours hégémonique entre égalité formelle et tolérance interculturelle. Pour cette raison, l’antiracisme entretient le tabou autour de la problématique ethnico-raciale (un interdit de penser et de nommer), tout en en prolongeant souvent des croyances essentialistes (avec le thème des « différences » ou des « cultures »...).

AntidiscriminationAntiracisme
Registre de référence Actes, pratiques Représentations, idéologie
Norme régulatrice Légale Morale
Principe d’arbitrage de la légitimité Autorisé/interdit Bien/mal
Logique d’action Responsabilisation et adaptation du travail Culpabilisation et éducation interculturelle
Visée de l’action Conformation des actes et des pratiques au sens du droit (égalité des droits et égalité de traitement) Changement des mentalités au sens moral (connaissance de l’Autre et tolérance) et/ou maintien du tabou
Types d’action Soutien aux discriminés, punition et publicité des délits, formation des acteurs, information sur le droit, intégration dans les procédures et les organisations de contrôles et de veille anti-discriminatoires... Education contre le racisme, sensibilisation aux préjugés, promotion de l’image des groupes, minorisés et/ou de l’interculturalité, communion autour des grands principes, stigmatisation des écarts...

- Dans les faits, le discours antiraciste semble souvent soluble dans l’idéologie « nationale- républicaine », dont il partage non seulement le référent national(iste) mais aussi la visée « pastorale » : guider les mentalités vers une représentation idéalisée et pacifiée de la « communauté nationale », principalement par des opérations de conviction et de communion morale [1]. D’où le caractère d’évidence que l’action passerait nécessairement par « l’éducation »... Par défaut de convaincre, l’antiracisme développe un droit répressif au risque d’en tordre les logiques par la recherche d’une incrimination de plus en plus étendue jusqu’à récuser implicitement la liberté d’opinion (cf. le slogan selon lequel « le racisme est un délit », qui « ne fait qu’instaurer un délit d’opinion » [2]). A l’opposé, la logique antidiscriminatoire concentre ses efforts sur la dimension pratique - et pas d’abord sur les idées.

revenir à la partie précédente : Un concept spécifique, fondé sur un usage politique du droit et une manière singulière d’aborder les inégalitéslire la suite du texte : Antidiscrimination, intégration, et promotion de la diversité

Notes

[1Collectif Nous Autres, Quelle action publique face au racisme ? Une recherche-action dans le Nord-Pas-de-Calais, Paris, L’Harmattan, 2013.

[2CONTE Charles, « Inadmissible, incohérente... La censure par la loi : dangereuse et inefficace », in Bitterlin L. (dir.), L’antiracisme dans tous ses débats, Condé-sur-Noireau, Panoramiques-Corlet, 1996, p.26.

Répondre à cet article