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Vers une politique française de l’égalité, texte du rapport issu groupe de travail "mobilités sociales"

IV. Ce que nous avons appris de l’action antidiscriminatoire

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablesamedi 14 décembre 2013, par Fabrice DHUME, Khalid HAMDANI

L’expérience et l’expertise professionnelle et scientifique du groupe de travail « Mobilités sociales », ainsi que celle des personnes et collectifs sollicités au titre des auditions, permettent de porter un regard de nature évaluative sur ce qui a été fait. Car, en particulier depuis 1998 (date de l’engagement officiel de l’Etat dans une politique publique face aux discriminations), des acteurs se sont mobilisés et engagés pour faire avancer concrètement ces questions et développer d’autres pratiques. Les analyses qui sont issues de ces expériences et recherches conduisent à insister sur une série de précautions et de conditions pour engager l’action, et du moins pour l’engager sur d’autres bases, plus politiques que ce qui a été fait jusque-là. En effet, nous avons en matière de discrimination en France l’expérience d’une « action publique sans problème public reconnu » (Cerrato-Debenedet, 2013) ni sans stratégie politique assumée et volontariste. Cela a laissé le champ libre à des expérimentations locales toujours précaires reposant sur la seule volonté de quelques-un.e.s, ainsi qu’à la diffusion et la gestion d’outils ou de dispositifs. Mais ni les outils ni les expériences locales ne font une politique publique.







 Les limites d’une absence de politique publique

Les effets de l’instabilité du « référentiel » politique

Depuis 1998, les pouvoirs publics n’ont jamais formulé un cadre et un référentiel suffisamment clairs et assumés. Plusieurs référentiels contradictoires ont sans cesse cohabité : insertion, intégration, sécurité, antiracisme, égalité des chances... Cela a fragilisé la singularité de l’objectif antidiscriminatoire, et a contribué à un problème de réception publique de l’intention politique, empêchant un renouvellement des cadres de perception de l’action. Par conséquent, les hésitations quant au statut à donner à la « prévention et lutte contre les discriminations » ont rapidement laissé le champ libre à d’autres discours, mieux installés (intégration) ou ayant une plus grande capacité de communication (diversité), qui ont eux-mêmes accentué le brouillage et favorisé une déviation des objectifs. L’engagement officiel contre les discriminations ne s’est en outre pas accompagné d’un cadre politique explicite en matière de reconnaissance de la pluralité de la société, ce qui a finalement laissé le terrain au discours managérial sur la « diversité ». Comme si la politique publique était faite par les (grandes) entreprises. Et comme si les questions de l’emploi et de l’accès aux Grandes écoles représentait l’alpha et l’oméga du problème politique. Avec cette déviation du discours politique vers la « diversité » et « l’égalité des chances », depuis 2003-2004, on a donc :
- entériné une approche implicitement ethnicisée de la question - car on mesure la diversité au faciès, et dans l’imaginaire collectif, la diversité c’est toujours « les autres » [1] ;
- laissé la responsabilité de l’action publique au patronat, en s’alignant sur un discours de valorisation de « l’entreprise » au détriment d’un travail sur les problèmes politiques et sociétaux qui traversent le monde du travail comme n’importe quel autre univers social ;
- réduit l’enjeu à la question de l’élitisme méritocratique, au détriment d’une articulation entre le problème des discriminations et celui plus général des inégalités et des hiérarchies sociales.

Un double défaut de reconnaissance du problème

Le discours sur les discriminations ne s’est pas traduit par une reconnaissance concrète du problème ni par un engagement effectif des institutions à la mesure des enjeux. L’exemple de l’institution scolaire le montre.

A un défaut d’engagement politique du ministère de l’Education nationale (1998-2008) a succédé un discours de l’administration tourné vers les publics : on a assimilé la discrimination soit au problème des « violences entre élèves » (dans le rapport de 2010 sur les « discriminations à l’école »), soit à celui de l’insertion. Ainsi, dans la contribution de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) au Conseil d’orientation pour l’emploi, l’objectif de « lutte contre les discriminations » est subsumé à l’axe général « Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes ». Il y est réduit à la gestion d’outils et de dispositifs existants ou à développer : « tutorat, parrainage, objectif stages... (...) banques de stages » [2]. Or, ces outils n’oeuvrent en réalité ni à la sanction et à la régulation des discriminations qui se produisent, ni à la négociation systématique des normes sélectives relatives aux périodes de formation en entreprise. Ils tendent plutôt à légitimer la structuration d’une « niche » de stages destinés spécifiquement aux publics discriminables, pour se concentrer ensuite sur l’insertion sans travailler sur les logiques discriminatoires du marché et de la relation de stage. Le problème de reconnaissance politique se poursuit aujourd’hui encore, puisque le rapport sur la Refondation de l’école ne donne à la discrimination qu’un statut hypothétique de question tout juste non « incongrue » [3]. Sur le plan organisationnel également, l’ambiguïté est de mise : l’actuelle mission « Prévention des discriminations et égalité fille-garçon » (DGESCO) a succédé à ce qui était auparavant la « Cellule nationale de prévention des dérives communautaristes », consacrée entre autres à la gestion de la loi interdisant le voile à l’école. Ce passage s’est fait sans plus de clarification ni du problème ni du programme.

Finalement, le statut de cette question dans l’institution se caractérise par un double défaut : d’une part, un défaut de reconnaissance du problème (quel est le problème, quelle est son importance), et d’autre part, un défaut d’autorisation à agir pour réguler et/ou sanctionner les processus concrets de discrimination, d’ethnicisation, etc., quand et là où ils se produisent.

Dépolitisation de la question et culpabilisation individuelle

La représentation courante du problème de la discrimination, comme d’ailleurs du racisme, oscille généralement entre deux registres : d’un côté, l’accent mis sur les « actes » individuels, conduisant à stigmatiser des personnes au titre de leurs « mauvaises » pratiques ou idéologies, et de l’autre, un discours général sur un « système discriminatoire » ou une « société raciste » donnant du problème une vision éthérée et sans responsabilités. Les expériences d’action publique ont beaucoup insisté (à raison) sur la nécessité de ne pas culpabiliser les personnes pour aborder le problème. Mais d’une part, cela n’a pas évité que les acteurs mobilisés ressentent de la culpabilité. Car celle-ci résulte, non du thème de la discrimination en soi, mais des injonctions contradictoires qui structurent le travail et qui génèrent un sentiment d’impuissance des professionnels en même temps qu’ils se sentent responsables. D’autre part, ce discours général a pu se payer d’une déresponsabilisation globale, en particulier des niveaux supérieurs ou intermédiaires des organisations (direction, encadrement,...) : l’invitation à agir – quand il y en a une - est tournée principalement vers le « terrain », sans donner du problème une vision concrète ni sans exiger des divers acteurs du système une responsabilité vérifiable en pratique. Cela a eu deux conséquences : l’on a favorisé des engagements de principe sans travailler sur les mécanismes concrets de production/régulation des discriminations ; et l’on a donc chargé implicitement les professionnels « de terrain » d’une responsabilité qui certes les concerne mais les dépasse.

La lettre de mission du groupe « Mobilités sociales » pose entre autres la question des manières de « mobiliser davantage les acteurs de la communauté éducative ». Cela suppose de savoir sur quoi et par rapport à quoi il faudrait les mobiliser. Car, sans clarification du problème public et de l’enjeu politique, sans approche stratégique de l’organisation et de la distribution effective des responsabilités, la logique d’implication risque d’augmenter une culpabilisation (sans objet) des professionnels. Par ailleurs, l’objectif indistinct de mobiliser occulte une réalité importante : le fait que de nombreux acteurs sont déjà mobilisés, souvent dans des conditions difficiles par défaut de légitimité et de reconnaissance de leur travail.

Volontariat et déresponsabilisation institutionnelle

Le déficit de reconnaissance du problème et d’autorisation à agir a eu pour effet de laisser cette question à la charge des agents volontaires, qui ont porté cette question souvent envers et contre la dénégation de leur institution, d’ailleurs souvent en mobilisant des ressources personnelles (bénévolat, etc.). Or, la discrimination relevant d’une question de droit et d’un enjeu politique majeur pour notre société, laisser cela au seul volontariat correspond à un déni des enjeux. Les professionnels impliqués se sont vus placés dans une situation difficilement tenable. Ils ont en effet été chargés d’une responsabilité institutionnelle globale, en devenant souvent des « personnes-ressources » ou des « référents » (dans le Label diversité, dans les Rectorats...). Cela peut les exposer à l’égard de leurs collègues et à l’égard de l’institution – prompte à se retourner contre eux en cas de conflits ou de problèmes –, sans pour autant qu’ils bénéficient des moyens et ressources (financiers, humains, de temps, de légitimité, de formation, etc.) suffisants pour faire ce travail. Cette stratégie de gestion a précarisé la question, en maintenant les initiatives dans un statut de fragilité, de faible légitimité et de faible reconnaissance : financements aux projets, initiatives et ressources souvent extérieures à l’institution (programmes européens ou mécénat, par exemple), positionnement administratif incertain et politiquement peu légitime, autorisation informelle à la merci d’un changement de responsable ou d’une suspension arbitraire de la tolérance accordée, travail non systématiquement encadré par une lettre de mission, etc.

 Intérêts et limites de quelques approches

Du côté de l’action, nous ne partons pas de rien. Mais, en l’absence de politique publique, les administrations se sont surtout concentrées sur la gestion d’outils et de dispositifs, ce qui en soi n’a pas de sens. En outre, certains des outils ou actions mis en œuvre ont d’importantes limites, qui ont été parfois évaluées. Limites d’efficacité, mais aussi dans la conception des actions, avec de fréquentes déviations dans le référentiel politique ou dans le sens de l’action : face aux difficultés concrètes rencontrées sur le terrain, dans un contexte combinant la déshérence politique de la question et l’injonction aux résultats, des actions financées au titre de la lutte contre les discriminations dans l’accès aux stages ou à l’emploi se sont centrées sur des logiques d’insertion. Elles ont accentué l’exigence normalisatrice à l’égard des publics supposés éloignés des codes de l’entreprise, en entérinant et/ou en coproduisant la discrimination.

Nous passerons ici en revue plusieurs modes d’action qui ont été jusqu’ici privilégiés, en étant attentifs principalement à leurs limites et/ou à leurs conditions de pertinence. Car, à l’inverse d’une lourde tendance de l’action publique à techniciser le problème à travers le « recueil de bonnes pratiques » [4], il y a lieu de se pencher sérieusement sur les conditions de pertinence de l’action – en portant l’attention aux difficultés et aux limites de l’action.

Les discours de principe à l’épreuve

Une forme classique de l’action publique, en matière de discrimination (mais aussi de racisme) est celle des discours de principe. L’affirmation de principes est bien entendu nécessaire en termes de référent politique, mais cette approche peut comporter deux séries de problème, comme le montrent l’exemple des Chartes développées depuis le milieu des années 2000 dans le domaine de l’emploi, ou encore l’expérience de l’antiracisme à l’école.

- L’exemple des Chartes.

Avec le passage au discours sur la « diversité », les pouvoirs publics et les entreprises ont privilégié le modèle des chartes : « Charte de la diversité » (2004), « Charte pour l’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellence » (2005), « Charte des entreprises de travail temporaire pour la non-discrimination et pour l’égalité de traitement et la diversité » (2005), « Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique » (2008), « Charte pour la prévention des discriminations dans l’animation sportive et socioculturelle », etc. Ces engagements de principe ne portent pas nécessairement sur des logiques nouvelles d’action, mais tendent pour une part à substituer à un impératif légal – interdiction de discriminer – un simple engagement moral de bonne conduite. Cela affaiblit donc le droit plutôt que de le crédibiliser. La « Charte de la diversité » en offre une illustration : celle-ci pouvait un temps être signée en ligne sans que cela n’engage outre mesure [5]. Cela n’est certes pas systématiquement le cas : des expériences d’action locale ou institutionnelle (programme Aspect, villes de Villeurbanne, de Saint-Priest, etc.) se sont appuyées sur la rédaction et la diffusion de « Charte d’engagement » qui se situent délibérément en complément du droit : elles posent le droit et la sanction comme socle indiscutable, et portent sur un objectif d’engagement politique volontariste des institutions concernées. Ceci dit, la réalisation de cet engagement dépend des priorités économiques ou politiques des entreprises et administrations, et sans maintien d’une priorité politique constante les principes restent inappliqués. De ce point de vue, l’inscription de l’action antidiscriminatoire dans des cadres programmatiques liés à des principes larges, souvent environnementaux ou sociaux (Agenda 21, Responsabilité sociale de l’entreprise...), présente le risque de dissoudre l’enjeu politique dans un discours global de principe qui reste faible du point de vue des priorités d’action.

- L’exemple de l’antiracisme scolaire.

Plus largement, l’engagement de principe ne fait pas en soi la qualité des pratiques. L’antiracisme à l’école, promu par l’Etat surtout depuis les années 1990, peut à cet égard illustrer l’existence d’une croyance dans le pouvoir propre de l’affirmation des grands principes – cela relève d’une croyance magique. L’objectif de l’antiracisme scolaire est à peu près de convaincre les futurs citoyens de s’identifier au discours hégémonique « républicain », de les faire participer activement aux rituels autour de symboles politiques ou mémoriels de la communauté nationale, et ainsi de communier dans des « valeurs ». Tout cela est supposé souder la communauté et faire adhérer les jeunes générations à ses principes fondamentaux. Le plus souvent l’action repose sur la combinaison de l’exposition des élèves à des discours (de morale, de savoir, d’expériences ou de témoignages historiques traumatiques...) et leur implication dans des activités et rituels supposés produire et démontrer leur adhésion morale aux valeurs humanistes (semaine contre le racisme, etc.). Le problème est que la représentation idéale d’une société non raciste et antiraciste a pour contrepartie de traiter les manifestations de racisme comme le signe d’une inculture (populaire) ou d’une « exculture » (étrangère) (Dhume-Sonzogni, 2007). Non seulement cela accroît l’altérisation des populations vues comme non assimilées (selon des logiques parfois racistes), mais en outre cela empêche de comprendre les ressorts réels du racisme et d’agir pertinemment sur eux. De fait, les épisodes de racialisation et d’ethnicisation à l’école ne sont que rarement régulés à la mesure de l’importance politique de ces questions pour la collectivité, ni à la mesure de la violence vécue. Une conséquence globale est que la cohabitation de grands discours de principe avec une expérience concrète qui dément fréquemment que ces valeurs soient effectives a des effets en termes de désidentification des élèves au cadre que l’on voudrait promouvoir : moindre croyance dans les institutions (droit, justice, école...) [6] ; apprentissage paradoxal que si le discours de l’école est le refus du racisme, sa pratique est plutôt une tolérance à l’égard des faits de racisme (cela vaut aussi pour le sexisme, etc.) ; par conséquent, apprentissage d’une compétence de clivage entre d’une part l’adhésion formelle et imposée au discours moral hégémonique, et d’autre part des croyances et pratiques effectives qui sont, comme pour chacun, traversées par des logiques de racialisation ambiantes, etc. Dans un contexte de durcissement ethnonationaliste et de relégitimation du racisme, la répétition des discours de principe s’avère donc particulièrement ambivalente, et parfois inefficace voire contreproductive. L’un des enjeux pour l’école comme pour l’éducation en général est donc de cesser d’aborder la morale par les discours surplombants, et de reconstruire un engagement moral et politique à partir de l’expérience du monde social (c’est par exemple l’expérience du Collectif « Vivre ensemble l’égalité » de Lormont, qui intervient aujourd’hui dans des établissements scolaires pour travailler sur la discrimination vécue comme base d’une exigence de droit et de morale, et comme support d’une construction politique citoyenne).

Puissance et limites du droit

- L’intérêt du référent de droit.

Les usages du droit dans l’action antidiscriminatoire sont divers. Cette diversité même des ressources qu’offre le droit en fait une base conséquente et pertinente :

  • Le droit définit la discrimination, et offre un principe d’évaluation de la légitimité des modes de sélection. Qu’on l’aborde de façon stricte (légalité) ou de façon étendue (légitimité), le droit est une référence primordiale sur lequel repose en partie l’édifice intellectuel de la (lutte contre la) discrimination ;
  • La norme légale sert de référence de principe commun pour asseoir la légitimité de l’action publique antidiscriminatoire : elle justifie un engagement sur des bases non optionnelles, en convertissant une obligation juridique (ne pas discriminer) en obligation morale d’agir (restaurer le principe d’égalité) ;
  • Les principes du droit – autrement dit son sens politique – sont un point d’appui pour la dénonciation des discriminations par les personnes qui les subissent. Dans une perspective démocratique, le droit permet de mettre en question les normes sélectives et/ou de contester la façon dont on traite les gens ;
  • Le droit offre diverses ressources d’obligations ou d’interdiction permettant de dessiner une pluralité de formes d’engagement souhaitables en matière d’action publique (sanction des discriminations, prévention des mécanismes discriminatoires, incitation à des compromis normatifs en matière de diversité...) ;
  • Le droit fonctionne à la fois comme norme d’interdiction, mais aussi a contrario comme prescription implicite d’une vigilance face aux discriminations, en particulier à travers une attention portée aux effets de l’action (principe de la discrimination indirecte) ;
  • Le droit est enfin une ressource en dernier ressort en cas de discrimination, à travers les recours judiciaires qu’il offre, au pénal et au civil.

- Les limites de la référence à la loi.

En revanche, le droit présente divers inconvénients, surtout dans sa fonction répressive. D’abord, il légalise certaines discriminations ainsi que des exceptions ou tolérances qui limitent l’extension du concept juridique (art. 225-3 du code pénal [7]). Ensuite, il reconnaît un tort au prix d’une individuation et d’une attribution des responsabilités, des « auteurs » comme des « victimes ». Or, on sait que la discrimination fonctionne le plus souvent de manière systémique, en engageant dans sa production la collaboration de multiples acteurs à divers niveaux. Par ailleurs, une interprétation positiviste du droit, qui est fréquente en France, associe implicitement la discrimination à une intentionnalité [8], avec l’idée qu’il suffirait d’être indifférent aux catégories prohibées pour réaliser l’idéal antidiscriminatoire. Pourtant, une part majeure de la discrimination repose sur des mécanismes inconscients, et « la théorie sociale cognitive nous apprend que, dans une culture où les stéréotypes relatifs à ces catégories sont omniprésents, il faut penser aux dites catégories pour ne pas faire de la discrimination » (Krieger, 2008, p.17).

Une difficulté majeure de l’usage répressif du droit réside dans le caractère lourd, incertain voire risqué de cet outil. Le droit antidiscriminatoire, bien que juridiquement fort développé, est pratiquement peu utilisé dans sa fonction répressive. D’abord, les plaintes sont peu nombreuses (elles sont nulles pour ce qui concerne le domaine scolaire). Ceci, pour diverses raisons combinées : les personnes concernées ne voient pas ce qui leur arrive comme de la discrimination ou hésitent à l’interpréter comme tel ; elles ne veulent pas s’identifier au statut de « victime » ; elles ne veulent pas s’engager dans des démarches lourdes, longues, coûteuses et incertaines ; il existe une méconnaissance du droit antidiscriminatoire et des opportunités qu’il offre ; il existe un déficit de familiarité des acteurs de la justice avec cette problématique, et par exemple une préférence pour ester en justice selon d’autres motifs ; on connaît la difficulté de preuve de faits cachés ou éthérés, qui décourage de porter plainte ; les logiques d’action peuvent être déviées en amont, vers une moralisation des plaignants ou vers d’autres enjeux (insertion, etc.). Se rajoute à cela, en matière de droit : une politique pénale peu offensive en la matière - même si la mise en place des pôles antidiscrimination a notamment amélioré le recueil d’informations -, et un renversement d’approche, de la sanction au bénéfice de la prévention (avec le discours sur la « diversité »).

Mais même en cas de saisine des juridictions pénales, on observe une déperdition considérable aux différentes étapes de la construction contentieuse des cas de discrimination. C’est ce que montre l’exploitation détaillée des données du ministère de la Justice, publiées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme :

Fréquence du contentieux pénal en matière de discrimination
2005 2006 2007 2008
Affaires enregistrées 564 660 556 541
Taux de réponse pénale [9] 81% 65% 79% 75%
Taux de poursuite [10] 41% 33% 37% 28%
Condamnations 12 (soit 2,1%) 7 (soit 1,1%) 10 (soit 1,8%) 17 (soit 3,2%)
Source : Mourey, 2012, p.308. A partir des données de la CNCDH.

Cette chute entre les affaires enregistrées et condamnées – qui va de 1/30 à quasiment 1/100 selon les années – traduit probablement, d’une part l’option des parquets pour des formes alternatives aux poursuites (rappel à la loi, classement sous condition), d’autre part la faible chance de condamnation eu égard aux difficultés de prouver non pas seulement la discrimination mais aussi son intentionnalité. L’usage judiciaire du droit antidiscriminatoire s’avère de ce fait particulièrement hasardeux et même risqué pour les plaignants : un risque de ne pas aboutir et donc de prolonger sans fin le déficit de reconnaissance d’une expérience illégitime ; un risque, éventuellement, que l’invalidation de la plainte pour discrimination soit retournée contre le plaignant pour « dénonciation calomnieuse » [11].

La HALDE offrait-elle une meilleure protection ? Rappelons d’abord que celle-ci n’avait pas de pouvoir proprement judiciaire. Réceptacle de réclamations au niveau pré-judiciaire, elle les traite pour ne retenir qu’une partie d’entre elles qui aboutissent à des mesures diverses : transmission au parquet, rappel à la loi, règlement à l’amiable, délibération du collège... Si, comparativement au Parquet, la HALDE reçoit un nombre bien plus important de réclamations (12 fois plus en 2008), et de façon croissante au fur et à mesure de sa notoriété, on observe, de même que pour la juridiction pénale, une forte déperdition entre chaque étape. Au final, le taux de réclamations aboutissant à une mesure ne se distingue pas considérablement des statistiques du Parquet, comme le montre le tableau suivant.

Traitement des réclamations par la Haute autorité de lutte contre les discriminations
2008 2009 2010
Nombre de réclamations portées 6 414 10 734 37 336
Récl. rejetées, abandonnées, réorientées 5 412 8 982 31 678
Source : Mourey, 2012, p.310-311. A partir des rapports de la HALDE.

Se rajoute à ces difficultés de reconnaissance de la discrimination par la voie des institutions en charge du droit, le fait que l’évolution institutionnelle peut contribuer à soutenir ou au contraire à affaiblir la puissance du droit. Si le passage de la HALDE au Défenseur des droits a présenté l’avantage de faciliter la centralisation au sein d’une même administration de la totalité des litiges portant sur la discrimination quel que soit le critère ou le domaine, cela a contribué à déspécifier à la fois la discrimination en général et celle, ethnico-raciale, en particulier. Cela s’est traduit par une baisse notable des saisines : près de 35% la première année suivant le changement institutionnel, selon l’institution elle-même. Mais cela semble se prolonger : en effet, selon les calculs de l’Observatoire des inégalités, le Défenseur des droits a enregistré près de 6.500 réclamations pour discrimination en 2012, soit deux fois moins que la HALDE en 2010 [12]. Cette baisse semble directement imputable à la moins bonne visibilité du Défenseur des droits sur cette thématique. En outre, pour la première fois depuis la création de la Haute autorité en 2005, « l’origine » n’est plus le premier critère mentionné dans les réclamations (22,5%), il a été supplanté par l’état de santé et le handicap (25,9%). Si la question n’est pas celle du critère qui doit primer, cela donne à penser que le passage au Défenseur des droits a pu contribuer à modifier le statut respectif de problème public des diverses discriminations.

Autre exemple, celui de l’Inspection du travail. En France comme ailleurs, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), les services d’inspection du travail connaissent une « crise » importante : ils font souvent face à des restrictions budgétaires et à une diminution des effectifs, alors même que le contexte réglementaire se complexifie. Dans ce contexte, plus encore que d’habitude, la capacité des services à répondre efficacement à la demande des salariés dépend de l’existence d’une « approche stratégique » de son action, selon David Weil (2008) : autrement dit d’une forme de politique d’inspection qui combine entre autres la détermination d’axes problématiques, l’adaptation aux branches et secteurs d’activité, et un rapprochement avec les intermédiaires tels que les syndicats. Or, en matière de discrimination, si les rapports successifs de la Direction générale du travail répètent que « l’impératif d’égalité professionnelle demande qu’une attention particulière soit portée aux situations de discrimination au travail » (2010, p.212 ; 2011, p.174 ; 2012, p.62), ils soulignent dans le même temps que les services sont « plus à l’aise dans les reconstitutions de carrière des représentants du personnel que dans les autres types de discriminations ». En 2011, sur l’ensemble des références faites aux articles du Code du travail suite aux interventions de l’inspection, 0,17% seulement sont relatifs aux discriminations [13]. Et encore, cela concerne « en majorité » la discrimination syndicale, l’état de santé ou la maternité. Une stratégie spécifique de mobilisation de ces institutions est donc nécessaire.

Les limites d’usage des expérimentations

Les politiques publiques, nationales comme européennes, mettent aujourd’hui très largement l’accent sur l’expérimentation et l’innovation. Une limite commune à une majeure partie des expériences évaluées est qu’elles peinent à être intensifiées ou disséminées. Il y a plusieurs raisons à cela :
- D’une part, les expérimentations pertinentes conduisent à mettre en évidence des limites ou déficits majeurs du fonctionnement habituel des institutions. L’expérimentation ou l’innovation invitent, par définition, à changer non pas seulement les pratiques, mais le cadre auquel ces pratiques se réfèrent. Or, les institutions en question occultent bien souvent cette part centrale du problème, en cantonnant les expérimentations à la marge, à des tolérances limitées, à des micro-situations localisée,... au lieu d’en tirer bénéfice dans une stratégie de réforme et d’adaptation institutionnelle pour progresser.
- En conséquence, les expérimentations elles-mêmes sont en général peu soutenues par les institutions, comme l’a montrée dans le cadre scolaire l’évaluation des usages de l’article 34 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005 [14]. L’existence d’un cadre de principe favorable voire incitatif à l’expérimentation est important, mais cela ne produit pas les effets escomptés si les expérimentations ne trouvent pas d’écho dans la capacité des institutions à prendre en compte et soutenir l’expertise professionnelle pour produire des effets durables et conséquents.
- Enfin, la croyance dans le caractère « généralisable » ou « transférable » des expériences pertinentes s’attache à la forme plutôt que de saisir les processus et mécanismes qui agissent. Bien souvent, en généralisant une expérience située, l’on transforme une action en un dispositif-coquille. Or, pour avoir quelques effets, cela suppose l’existence préalable d’intéressements déjà construits localement, et cela suppose que des acteurs locaux se réapproprient voire détournent ces dispositifs afin de soutenir les logiques déjà existantes.

La formation des acteurs

S’il est une proposition consensuelle en matière de lutte contre les discriminations, c’est bien l’idée qu’il faut former les acteurs. La formation, entendue comme une manière d’agir sur le renouvellement des pratiques, est un enjeu de taille. Mais les expériences pédagogiques et les usages observés de la formation appellent plusieurs remarques sur les conditions de pertinence et/ou sur les limites des stratégies mises en œuvre jusqu’ici.

L’action publique a souvent privilégié une approche par la « sensibilisation », pour son caractère pédagogiquement et financièrement « léger » et pour son potentiel rapidement extensif. Cette sensibilisation est éventuellement assortie de la diffusion d’outils « clé en main ». Cependant, en absence d’une stratégie politique et institutionnelle plus large, ni la sensibilité à la question ni les outils n’aident les professionnels à résoudre les tensions et contradictions du travail, dont la discrimination est souvent un révélateur. Il ne suffit en effet pas d’adapter ou de normer telle pratique ; il s’agit de repenser et de réorganiser les manières de réguler les organisations de travail. Une conséquence importante de ce décalage entre la forme de formation diffusée et l’enjeu institutionnel du problème est que cela a contribué à maintenir la question à un niveau précaire et technique, en générant paradoxalement des effets d’ampleur proportionnellement inverse à l’extension de la diffusion. Si l’approche extensive est nécessaire, elle présente le risque, à défaut d’une inscription dans une stratégie globale, que le savoir diffusé ne renforce le clivage entre d’une part une adhésion de principe et une connaissance formelle de l’antidiscrimination, et d’autre part une incapacité pratique à freiner concrètement ces mécanismes. La mise en place expérimentale de modules e-learning présente au minimum les mêmes risques d’effets pervers.

Une exception notable à la stratégie de sensibilisation est le programme de formation du FASILD, puis de l’ACSE, qui a offert la possibilité d’un travail sur 6 jours de formation pour un même groupe (de la sensibilisation à l’action). Cette approche et cette durée semblent plutôt pertinentes, du moins si l’usage de ce dispositif n’est pas cantonné à une approche techniciste, qui segmente et cloisonne la sensibilisation, l’approfondissement, et le soutien à l’émergence de pratiques. Il reste que l’usage de ce dispositif de formation se heurte à la capacité locale de mobilisation et de constitution d’un cadre politique suffisant. L’un des enjeux-clés d’une politique publique est que la formation soit combinée à d’autres niveaux d’action, dans une stratégie politique et organisationnelle, afin de transformer les référents et les postures professionnels en même temps que l’on agit sur les normes et principes de l’institution, sur les processus de régulations, les cadres de travail et les organisations et procédures.

Enfin, soulignons que la discrimination a été principalement abordée à travers la formation continue. Cela est nécessaire pour renouveler les pratiques des acteurs en poste. Mais dans le même temps, la question des discriminations ou les savoirs de la psychologie sociale (catégorisation, stéréotypes, etc.) n’ont le plus souvent pas été introduits dans les formations initiales et/ou professionnalisantes, sauf initiatives spécifiques [15]. Parallèlement, la formation initiale ou professionnalisante (des enseignants, par exemple) subit une diminution drastique, que la formation continue ne peut ni n’a vocation à compenser. En outre, plusieurs limites découlent du cadre de la formation continue ou des usages de la formation dans ce contexte :
- La formation continue a un cadre généralement optionnel – avec des enjeux ou limites en partie différents selon les secteurs, comme on le voit pour l’Education nationale [16]. Cela fait reposer in fine l’action sur des individus engagés au détriment d’une politique d’institution. L’évolution des cadres de la formation continue, par exemple avec la mise en place du Droit individuel à la formation (DIF), renforce cette logique d’investissement sur des compétences individuelles, alors qu’une politique antidiscriminatoire appellerait d’autres stratégies, non optionnelles, collectives et instituées.
- La primauté du volontariat n’a conduit qu’exceptionnellement à former l’ensemble des services et des niveaux hiérarchiques. Cela peut accentuer des clivages et des spécialisations informelles au sein des équipes, souvent à des niveaux intermédiaires de l’organisation, entre ceux qui sont « sensibilisés » et les autres. Ceci, au détriment d’une logique collective d’équipe et d’une capacité globale à agir sur les mécanismes discriminatoires.
- Lorsque – parfois - les services entiers ont été formés à un temps T, se pose le problème du renouvellement des équipes et de la transmission de l’attention à cette problématique, ce qui suppose une stratégie continue de formation qui n’existe que rarement (c’est une des limites à moyen terme du programme d’initiative communautaire EQUAL ESPERE, « Engagement des services publics de l’emploi pour restaurer l’égalité »). Diverses initiatives locales sont confrontées à ce problème, qui est d’autant plus élevé que le turn-over est important. En matière scolaire, par exemple, c’est une limite claire de l’approche par établissement, comme le montre l’expérience actuellement menée dans l’agglomération grenobloise.

Les outils de neutralisation : l’exemple du CV anonyme

La discrimination contraint les personnes qui en sont la cible à développer des tactiques ou des ruses pour masquer les marques discriminables (c’est-à-dire susceptibles de donner libre champ à la projection par le recruteur de ses stéréotypes ethnico-raciaux) : changement de nom, d’adresse, absence de photos, etc. La reprise de cette stratégie par les pouvoirs publics, à travers la mise en place expérimentale du CV anonyme [17] a fait l’objet d’une évaluation. Celle-ci montre que l’effet escompté de contrarier l’homophilie des recruteurs fonctionne concernant le genre des candidats. En revanche, l’anonymisation joue contre les candidats vus comme issus de l’immigration et/ou résidant sur un territoire stigmatisé (ZUS, CUCS). Pour ces derniers, la suppression du bloc « état-civil » sur le CV accroît la difficulté d’accéder à un entretien (d’une chance sur 10 à 1 chance sur 22, alors que le groupe de référence passe, avec l’anonymisation, d’une chance sur 8 à 1 chance sur 6).

En-deça de la question de l’efficacité de l’outil, le passage d’une tactique mise en place par les minorisés, bien souvent pour vérifier la discrimination, à une stratégie de gestion du marché du travail par les pouvoirs publics, pose deux questions importantes :
- Premièrement, la stratégie de la « neutralisation » des marques stigmatisables entre en contradiction avec l’idée que l’action face aux stéréotypes suppose au contraire une conscientisation et une réflexivité. D’autant que toute sélection juste suppose la prise en compte de la singularité. Même s’il avait été efficace pour limiter la discrimination ethnico-raciale, le problème des discriminations n’est pas soluble dans le seul pragmatisme des techniques et outillages des procédures de sélection.
- Deuxièmement, la suppression de l’état-civil sur les CV n’est pas un acte neutre ; cela peut être vécu par les personnes concernées comme une violence identitaire. Dans le contexte intégrationniste, cela peut jouer d’un mauvais signal politique, en prolongeant le message de l’assimilation : seul l’effacement des marques vues comme « étrangères » offrirait la possibilité de se voir accepter...

Au-delà d’une question d’outils, l’enjeu politique global est donc d’autoriser l’investissement critique d’une question (l’usage des catégorie prohibées ou problématiques dans les formes de sélection), et non de prolonger la croyance magique dans les vertus d’une « neutralité » ou d’un « aveuglement à la race ».

L’entrée territoriale et la discrimination positive

La territorialisation des politiques publiques a affecté l’action publique de lutte contre les discriminations. De façon croissante depuis le début des années 2000 jusqu’aujourd’hui encore (avec l’incorporation de l’ACSE dans un Commissariat général à l’égalité des territoires), la question des discriminations a été progressivement rattachée à la politique de la ville jusqu’à pratiquement s’y dissoudre. Cela constitue un problème majeur, car cela disqualifie le sens politique d’un travail sur les discriminations. En effet, en procédant ainsi, le thème est implicitement rattaché à un public-problème, puisque la politique de la ville désigne par l’intermédiaire des catégories territoriales un public identifié à la classe populaire et à l’immigration. On aborde donc les discriminations non pas à partir de ses mécanismes de production, mais à partir de cibles supposées – sans pour autant que l’action arrive d’ailleurs à toucher les personnes concrètes supposées être concernées. Ensuite, les politiques de la ville et de l’éducation prioritaire fonctionnent à partir d’étiquettes qui jouent comme des stigmates, et ce de façon suffisamment forte pour constituer en eux-mêmes de nouveaux motifs de discrimination – ce que confirme si besoin en était l’évaluation du CV anonyme. L’introduction probable dans le droit d’un nouveau critère de discrimination au territoire – vu sa promotion, en son temps par la HALDE (2011), et par divers autres acteurs publics (maires, associations...) – n’a aucune raison de changer cette logique. Autrement dit, la définition de la lutte contre les discriminations par la politique de la ville est prise dans le piège de renforcer les logiques mêmes qu’elle prétend combattre.

Plus largement, la territorialisation de l’action publique pose un problème. L’entrée « locale », entendue comme l’action à des échelles de compétence ou d’existence qui correspondent approximativement aux expériences concrètes des gens, est à notre sens tout à fait nécessaire. Mais d’une part, cela pose un problème conséquent d’articulation des échelles, et donc de montée en généralité à partir de ces lieux d’expérience et d’action – c’est l’un des défis du transfert et de la diffusion d’expériences. D’autre part, la traduction de cette approche par les politiques publiques repose sur une conception du territoire qui s’avère problématique. Comme l’ont montré entre autres des travaux de sciences politiques, le territoire est une fiction. Il ne prend éventuellement sens que s’il correspond à des enjeux (un objet d’action) et à des logiques d’action (investissement par des acteurs, des institutions...) et donne lieu à des régulations (entre autres des logiques de pouvoir, de concurrence, etc.). Or, l’approche courante du territoire, assortie d’un discours sur le partenariat, fait surtout du « local » la recette de gouvernance. Mais, ce que l’on n’arrive pas à produire à une échelle globale n’a guère plus de chance d’être produit à une échelle locale, si les mécanismes d’action et les configurations institutionnelles demeurent équivalents. Pour le dire autrement, l’approche localisée donne des effets très mitigés si elle ne correspond pas à un travail de/dans les institutions et les réseaux d’actions concrètement utilisés par les acteurs. Il en va en définitive de même à d’autres échelles.

Enfin, l’approche territorialisée en France a été une manière de construire une « discrimination positive à la française » qui évite aux pouvoirs publics d’avoir à manipuler formellement les catégories ethnico-raciales. Si nous comprenons et partageons, au niveau global, l’enjeu de ne pas rouvrir une vaine polémique sur la question « ethnique » (en particulier sur lesdites « statistiques ethniques »), la politique publique ne peut pas pour autant faire l’impasse sur le caractère ethnico-racial d’une grande part des discriminations en France, et plus largement sur les mécanismes d’ethnicisation ou de racialisation dans la société. Sur ce plan encore, l’entrée territoriale pose deux problèmes :
- premièrement, en maintenant l’implicite autour de la dimension ethnique des inégalités, elle ne permet pas de travailler franchement ni sur les mécanismes d’ethnicisation, ni sur la régulation des inégalités de traitement ;
- deuxièmement, l’incapacité collective à désigner le problème qu’on prétend traiter hypothèque lourdement la fiabilité du diagnostic, et a toutes les chances d’entretenir les pires confusions dans la représentation des problèmes comme dans le choix des solutions.
L’entrée par le territoire est liée à une action publique guidée par les outils et les techniques supposées correctives. Or, comme le dit Gwénaële Calvès (2005) « le droit contemporain de la non-discrimination impose un pilotage fin des politiques d’égalité. Il tolère de plus en plus mal les généralisations approximatives et mal étayées », du genre des politiques de discrimination positives mises en œuvre en France (en matière de handicap, de genre...). L’enjeu n’est donc pas, globalement, celui d’une politique de discrimination positive. S’il y a bien une adaptation territoriale des politiques publiques à opérer, pour contrer les logiques de ségrégation et de discrimination, le premier niveau d’enjeu est de travailler sur une répartition effectivement égalitaire des moyens et des ressources. Et aussi de réinvestir des modes de régulation pour affaiblir les logiques de concurrence. Concernant les ZEP, par exemple, « avant de parler de discrimination positive, il faudrait commencer par donner autant à ceux qui ont moins et éviter la discrimination tout court » (Dubet, 2005). Une politique de reconnaissance – car c’est un véritable enjeu – n’a pas à se préoccuper d’abord et principalement de changer les outils. Tant la loi antidiscriminatoire que les moyens actuels de mesure des inégalités ethniques, par exemple, sont un arsenal malgré tout suffisant pour relever les défis. Ce qui manque par contre cruellement, c’est bien une intention politique explicite, forte, pérenne et capable de dessiner un horizon globalement acceptable pour refaire société d’une manière inclusive.

Eléments de bilan du « Label diversité »

Un « Label diversité » a été élaboré en 2008, faisant suite à une décision du Comité interministériel à l’intégration de 2006. Celui-ci est l’objet d’un consensus assez large, qui s’est exprimé dans le groupe de travail « Mobilités sociales », et au-delà, puisqu’il est valorisé par la Commission Européenne comme l’une des meilleures pratiques nationales pour la prévention des discriminations et l’égalité de traitement. La raison de ce consensus semble tenir à deux choses : d’une part, il est le fruit d’une collaboration entre les services du ministère de l’Intérieur (DAIC) et l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), et réuni plus largement dans sa gestion les partenaires sociaux et l’Etat (entre autres). D’autre part, il est un compromis entre des logiques d’engagement et de contrôle, ce que les acteurs de l’entreprise privilégient, face à une approche par la contrainte juridique. Délivré pour quatre ans avec une évaluation intermédiaire à mi-temps, le « Label » est aussi valorisé pour sa logique de « progrès », c’est-à-dire l’incitation à avancer à chaque période de labellisation, sur les questions touchant à la prévention des discriminations et à l’égalité des chances, dans les divers axes préconisés : l’état des lieux de la diversité dans l’organisme ; sa prise en compte managériale ; l’information, la sensibilisation et la formation ; l’évaluation et les axes d’amélioration de la démarche. Plusieurs remarques peuvent être faites sur cet outil :
- La forme de l’outil d’auto-contrôle avec l’appui d’un regard extérieur semble une approche pertinente pour développer la réflexivité sur les pratiques des entreprises et administrations. Dans certains cas, l’employeur semble se mettre lui-même des obligations, pour ne pas perdre le Label voire pour l’étendre (au sein d’un groupe [18]). Ceci dit, il est difficile de savoir ce qui, dans cet outil, fonctionne pour enclencher cette dynamique : est-ce l’enjeu d’image et de réputation ? ou cela ne repose-t-il pas sur le fait que certains acteurs se « prennent au jeu » d’un « challenge » managérial de l’entreprise ? La compréhension des ressorts nous aiderait à penser une action publique plus générale qui ne soit pas prisonnière de l’outil et de sa boîte noire.
- Comme pour d’autres outils, on constate une dilution du critère de l’origine. Cela relève plus généralement du statut de la question ethnico-raciale en France, et de sa faible acceptabilité sociale, mais c’est une limite conséquente, qui rappelle si besoin en était que l’outil ne règle pas ce qui n’est pas politiquement assumé.
- Par ailleurs, la diffusion reste relative, ce qui peut témoigner des limites de volontarisme de l’action publique : entre sa création fin 2008 et juillet 2013, le Label a été délivré à 392 entités juridiques (environ 800.000 salariés concernés) – surtout des grandes entreprises ou des grands groupes -, selon les données de la DAIC [19]. L’une des raisons est peut-être aussi le coût de la démarche, souvent jugé élevé [20] : si cela peut apparaître plus mineur pour des grandes entreprise, au regard du fait que cela assure somme toute à frais réduits une communication garantie par des tiers (l’Etat, en l’occurrence), il est possible que cette somme soit dissuasive pour des petites entités.
- Enfin, un problème réside dans le fait que la norme AFNOR, pourtant financée sur fonds publics, et qui a vu la contribution bénévole de divers professionnels, pour un label qui est propriété de l’Etat, est interdite à la diffusion... Cette privatisation de l’argent public est problématique.

 Quelques conditions de pertinence des programmes d’action contextualisés

Les programmes d’action locale ou institutionnelle sur les discriminations

Nous disposons à ce jour de plusieurs exemples de programmes contextualisés (localement ou institutionnellement) de lutte contre les discriminations : expérience des programmes européens du PIC EQUAL, Plans de lutte contre les discriminations portés par le FASILD puis l’ACSE, réseaux de mission locale par exemple de la région PACA, expérimentations innovantes dans quelques académies ou réseaux (Nancy-Metz, Grenoble, Saint-Priest, notamment)... Les travaux du groupe « Mobilités sociales » et les auditions de porteurs de plusieurs de ces expérimentations nous ont conduits à identifier quelques-uns des leviers et des conditions de pertinence de tels programmes.

L’existence d’un soutien politique et institutionnel est impératif pour une inscription durable et d’ampleur suffisante. L’absence d’engagement et d’horizon politique prive a contrario ces projets de la légitimité nécessaire pour s’inscrire dans l’organisation et pour diffuser durablement. Le soutien politique et institutionnel doit se traduire à la fois dans une autorisation à expérimenter, dans la mise à disposition de ressources permettant cette expérimentation, et dans la valorisation des résultats, sous la forme d’une stratégie d’inscription à travers des changements organisationnels.

Les leviers de transformations sont multiples et supposent d’être articulés. Il semble en effet pertinent de combiner dans un même contexte une stratégie :
- de connaissance (étude, diagnostic) afin d’éclairer les enjeux et de légitimer l’action par du savoir ;
- de formalisation et de diffusion de normes (connaissance du droit, principes politiques d’engagement...) ;
- de formation des professionnels, qui soit : tournée vers les directions et l’encadrement, tout autant voire plus que destinée aux agents « de terrain » ; non limitée à de la sensibilisation, mais centrée d’une part sur la diffusion de grilles de lecture (droit, histoire politique, mécanismes psycho-sociaux...), et d’autre part sur la mobilisation de l’expérience et de l’expertise professionnelle (du métier, du travail, du fonctionnement réel des organisations) ;
- de formation et d’information des publics afin de légitimer et soutenir des mobilisations, avec pour objectif minimum : l’expression et la conscientisation des expériences de discrimination et de leurs effets sur les personnes, la connaissance du droit et les conditions de sa mobilisation, l’analyse des mécanismes de discrimination et d’ethnicisation ; une incitation à réagir face aux discriminations... ;
- de formalisation de règles, de procédures, d’outils, eux-mêmes régulièrement réinterrogés et adaptés ; • de mise en place d’espaces collectifs de parole, d’analyse et de régulation des problèmes ;
- de stratégie de management des services incluant des objectifs précis et évalués en matière de non- discrimination ; • d’accompagnement stratégique et réflexif des programmes et de leurs responsables par des tiers ; • d’évaluation de ces programmes avec l’aide de tiers (chercheurs, notamment), et des divers acteurs concernés (publics, agents, syndicats, encadrement, financeurs ou donneur d’ordre...).

L’engagement pour la transformation ne peut porter ses fruits qu’au mieux à moyen terme. Le recul que nous avons montre que l’inscription durable et la diffusion se font sur des temporalités qui sont souvent de l’ordre de 5 à 10 ans. Cela suppose donc un engagement pérenne dans l’objectif, renouvelé dans la légitimation, sans cesse réévalué ou adapté stratégiquement selon l’avancée du projet, et selon les difficultés, résistances et opportunités émergentes dans le temps.

La diffusion des logiques antidiscriminatoires gagne vraisemblablement à travailler à deux échelles et selon deux directions simultanées : d’une part celles « internes » de l’organisation (entreprise, institution, etc.), d’autre part, celles « externes » des différents réseaux d’acteurs (réseaux de pairs, réseaux territoriaux, etc.). Cela permet de croiser les légitimités, de renforcer mutuellement les exigences et les engagements, et d’utiliser de façon stratégique des leviers situés à des échelles diverses. Cela permet aussi d’intéresser et de concerner progressivement d’autres acteurs, en mutualisant les ressources et les initiatives.

Les stratégies pédagogiques face aux enjeux d’inégalités et d’hétérogénéité

Concernant plus particulièrement l’école, nous avons dit que les publics vus comme issus de l’immigration n’ont pas globalement de particularité, si ce n’est d’être associés à une « différence de culture ». Aussi, outre un travail spécifique sur les enjeux de discrimination, d’ethnicisation, etc., la question de la réussite scolaire doit être abordée à partir d’un prisme plus général : celui des inégalités scolaires et de l’action de l’école sur/avec les inégalités sociales. Les travaux sur la pédagogie « interculturelle » ont longtemps porté cette ambiguïté – dans leur nom même -, en tendant à convertir une question d’inégalités globales en approche culturaliste des problèmes. Les réseaux spécialisés de l’Education nationale (CEFISEM puis CASNAV, etc.) sont encore trop souvent pris dans une approche dont la bienveillance n’empêche pas l’altérisation des publics. Mais des travaux récents se référant de la pédagogie interculturelle renversent aujourd’hui la problématique en insistant sur l’école et ses mécanismes d’altérisation, de minorisation et d’ethnicisation. Ils rejoignent des constats faits à partir de l’évaluation scientifique d’expériences pédagogiques alternatives à la forme scolaire face aux enjeux d’inégalités. Outres les éléments institutionnels précédemment pointés – qui demeurent des leviers et conditions déterminants -, ces travaux permettent de voir qu’il n’y a pas de fatalité à l’échec scolaire des enfants de milieu populaire et/ou des enfants descendants d’immigrés . Ils aident en outre à identifier certains leviers pédagogiques qui semblent jouer fortement sur la capacité de l’institution scolaire et de ses agents à agir efficacement et pertinemment sur la « réussite scolaire » de tous les élèves.
- La lutte contre l’échec scolaire est possible, en milieu populaire comme ailleurs, si l’on travaille tout particulièrement sur des leviers pédagogiques et didactiques, c’est-à-dire si l’on investit sur l’amélioration des pratiques enseignantes relatives aux processus d’apprentissage et aux manières d’organiser l’entrée dans les savoirs disciplinaires scolaires. Cette réalité, attestée par des travaux scientifiques solides, est peu voire pas travaillée dans la formation des enseignants. Ce problème considérable est accentué par le peu d’attention institutionnelle à ces enjeux, voire, dans les années 2000, à une intense critique de Droite qui a cherché disqualifier la pédagogie, en même temps qu’elle a abandonné l’objectif de réussite pour tous (et promu une « égalité des chances » ramenée à l’accès aux Grandes écoles).
- L’enjeu de lutter contre les inégalités scolaires commence tôt, dès l’école maternelle et primaire. On sait en effet que les inégalités fonctionnent largement sous la forme d’une sédimentation, dans les trajectoires, de décalages ou « décrochages » progressifs. On sait par ailleurs que les moments de rupture dans la forme du système scolaire (passage du primaire au collège, par exemple) contribuent à la fragilisation des élèves. Agir dans une logique de compensation ou de remédiation ultérieure est certes nécessaire pour ceux qui ont passé ces étapes, mais nous gagnerions de tous points de vue à mettre en place dès l’amont une vigilance et surtout d’autres manières de travailler afin de générer moins d’inégalités.
- A l’encontre d’une logique de dispositifs externalisés de remédiation, les problèmes peuvent le plus souvent se traiter dans les fonctionnements ordinaires de l’école et de la classe. Les dispositifs extérieurs ou aux marges de la classe et de l’école conduisent en effet trop souvent à durcir les problèmes et les effets d’étiquette des publics, quand ils ne remettent pas en œuvre des logiques d’ethnicisation (Lohro-Lemaire, 2102). L’expérience de pédagogie alternative analysée par Yves Reuter et son équipe (2007) dans une école élémentaire de Mons-en- Baroeul [21], dans le Nord, (en l’occurrence, une pédagogie Freinet), montre que des dispositifs de diversification pédagogique internes à la classe peuvent traiter une grande partie des problèmes.
- L’un des leviers essentiels qui rend une équipe capable d’identifier, d’analyser et de traiter des problèmes réside justement dans le fait qu’il existe un travail d’équipe. Autrement dit, la coopération et la mutualisation des expertises professionnelles permettent de produire une intelligence collective capable de solutionner de nombreux défis. A l’inverse, on sait que le déficit de coopération et l’isolement des professionnels (voire la concurrence entre eux) a généralement pour effet d’accroître les tensions et de faire que les agents se sentent impuissants à résoudre des problèmes, lesquels apparaissent dès lors insolubles dans le cadre scolaire. Une part des processus de discrimination et d’ethnicisation découle précisément de ce type de configurations : on rejette sur le public un sentiment d’incapacité professionnelle.
- Les pédagogies qui ont un effet positif sur la réussite agissent particulièrement sur le rapport des élèves (et de leurs parents [22]) à l’école, aux savoirs, et à l’apprentissage. Mais elles ne le travaillent pas directement : le rapport au savoir n’est pas un objet d’éducation, c’est le produit d’une expérience de l’école et plus largement d’un rapport au monde. C’est en changeant l’expérience vécue de l’école que l’on change ce rapport, en particulier en développant de la responsabilité concrète plutôt qu’une injonction formelle à la responsabilité souvent assortie d’un rapport effectif d’infantilisation (rapport qu’expriment d’ailleurs aussi les parents et les professionnels dans leur expérience de l’institution scolaire). On sait que le rapport positif à l’école, aux savoirs et à l’apprentissage influencent positivement les trajectoires, les choix d’orientation, etc.


Beaucoup parmi les constats ci-avant dépassent la seule problématique des discriminations. Ce n’est pas que celle-ci a prétention ou vocation à se substituer à d’autres analyses (celles des inégalités sociales, par exemple), mais au contraire que ces problèmes prennent ensemble corps dans le fonctionnement banal et commun du système scolaire, du marché de l’emploi, des systèmes-travail, et plus largement dans le fonctionnement de notre société et de ses institutions. Une politique publique pertinente doit donc prendre en considération la nécessité impérative de travailler en articulant deux niveaux d’action : non seulement une action singulière sur les problématiques de discrimination, d’ethnicisation, etc., mais également une action globale capable de développer à terme des formes de régulation systémiques à l’égard d’une école et/ou d’un monde du travail particulièrement inégalitaires.

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Notes

[1La formule « personnes issues de la diversité » ne change pas le rapport ethnique : le groupe majoritaire se pense toujours implicitement comme la référence normale et s’abstrait de la diversité de la société. Cette formule traduit non seulement le maintien d’une minorisation sous couvert de reconnaissance de l’altérité, mais il exprime aussi implicitement le malaise voire l’incapacité des représentants du groupe majoritaire à aborder la question ethnique autrement que comme le « problème de l’immigration ». Il est donc crucial de rompre avec ce langage ethnicisant.

[3L’unique formule du rapport à ce sujet est en effet qu’« il ne parait pas incongru de se demander si le principe même d’égalité de traitement est
respecté, voire si une discrimination négative n’est pas à l’oeuvre » (Dulot et alii, 2011, p.14).

[4L’analyse de la littérature de consultance sur les « bonnes pratiques » ou les « meilleures expériences » est édifiante sur ce point : elle ressasse d’un rapport à l’autre une sélection déjà faite d’exemples (toujours à peu près les mêmes), en technicisant le problème sans guère soulever la question du cadre politique. Ce qui veut dire que l’on raisonne en décontextualisant systématiquement les logiques d’action (cf. les remarques ci- après sur les problèmes de transférabilité des expérimentations), et en occultant le référent évaluatif de ce qui serait une bonne pratique. C’est ainsi que sont construits en « solutions » à diffuser des outils ou opérations clés en main, généralement plus lié au thème de la « gestion de la diversité » qu’à l’action à proprement parler antidiscriminatoire. Il y là une confusion entre l’outil et la solution, l’instrument et l’objectif et, pour finir, ce qui devrait être stratégique et politique devient purement technique. Mais le réel fait retour lorsqu’il s’agit de passer des actions ponctuelles à la généralisation et que ce passage reste de l’ordre de l’incantation.

[5Cette signature en ligne s’est faite initialement sur le site Internet de l’Institut Montaigne (où le non-engagement pratique était un argument de vente), avant d’être reprise sur le site gouvernemental : egalitedeschances.gouv.fr lancé en 2006.

[6Cela vaut pour les publics, mais peut-être aussi pour les agents : le baromètre établi par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail montre que, face aux discriminations vécues, la fonction publique est de moins en moins perçue par ses agents comme protectrice.

[7Ces exceptions ont été étendues par la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, concernant notamment les critères du sexe, de l’âge ou de l’apparence physique, sous le motif qu’elles peuvent répondre à « une exigence professionnelle essentielle et déterminante ».

[8L’évolution du droit, avec l’introduction au civil du concept juridique de discrimination indirecte par la loi du 16 novembre 2001, atténue la référence majeure à l’intentionnalité – qui demeure cependant comme une condition de preuve au pénal.

[9Affaires effectivement poursuivies par rapport aux affaires poursuivables (soit. celles qui remplissent les conditions de droit et de fait permettant l’exercice de poursuites pénales).

[10Soit la part des « affaires ayant fait l’objet d’une poursuite pénale au sens strict, à l’exclusion de tout recours à la troisième voie » (CNCDH, 2009, p.63).

[11La loi no 2010-769 du 9 juillet 2010 a limité l’usage de cette plainte, en évinçant les cas où la plainte initiale n’a pas abouti pour défaut de preuve.
Plus largement, la jurisprudence sur cette question est en pleine évolution.

[13Selon nos calculs à partir des chiffres du rapport 2012 (p.95) de la Direction générale du travail : 2.591 références concernent la discrimination, sur 1.495.756 au total en 2011.

[14Loi n°2005-380 du 23-4-2005. JO du 24-4-2005, art. 34 : « (...) Dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, un projet d’école ou d’établissement est élaboré avec les représentants de la communauté éducative. (...) Sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques, le projet d’école ou d’établissement peut prévoir la réalisation d’expérimentations, pour une durée maximum de cinq ans, portant sur l’enseignement des disciplines, l’interdisciplinarité, l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d’enseignement scolaire. Ces expérimentations font l’objet d’une évaluation annuelle. Le Haut Conseil de l’éducation établit chaque année un bilan des expérimentations menées en application du présent article. »

[15Par exemple dans certaines des formations qualifiantes aux métiers de conseiller-emploi-formation-insertion en Languedoc-Roussillon ou Alsace ou de façon expérimentale dans l’académie de Nancy-Metz...

[16Il y a de ce point de vue deux problèmes spécifiques : d’une part la segmentation entre les systèmes de formation continue du premier degré et du second degré ; d’autre part, la segmentation par corps professionnels (enseignants, Conseillers d’orientation-psychologiques, vie scolaire, etc.), accentuée par la décentralisation (segmentation des responsabilités entre l’Education nationale, les conseils généraux et régionaux...). Cette dernière devrait être accrue par exemple avec la création de services régionaux de l’orientation...

[17L’outil a été intégré parmi les obligations de la loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances (pour les entreprises de plus de 50 salariés), mais les décrets d’application n’ont à notre connaissance jamais été rédigés... La volonté du commissaire à la diversité de généraliser l’outil s’est heurtée à l’expérimentation conduite par Pôle emploi, dont l’évaluation invalide l’idée qu’il ait un effet positif du point de vue des catégories d’origine et de territoire.

[18Il peut y avoir une ambiguïté dans le cas de la communication des groupes : le label peut être attribué à une filiale seulement, alors que la communication des groupes peut garder le flou comme si le groupe entier était concerné.

[19Seules 24 PME et TPE, soit 6% des labels décernés, sont aujourd’hui concernées. Pour tenter de corriger cette disproportion, une version du Label spécifique aux PME/TPE a été élaborée, et la DAIC (Direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté du ministère de l’Intérieur) a travaillé avec des réseaux des Chambres de commerce et d’industrie, afin de compenser.

[20Le coût de la démarche varie notamment selon le nombre de salariés et de sites. Organisation de moins de 50 salariés, un seul site : pour un cycle de 4 ans, avec audit initial et suivi à 24 mois : 3.300 euros. Organisation de 450 salariés comptant 13 sites : pour un cycle de 4 ans, avec audit initial et suivi à 24 mois : 18.750 euros.

[21Cette action a, depuis, disséminé et elle investit aujourd’hui le niveau du collège de secteur. Voir sur le site des Cahiers pédagogiques : http://www.cahiers-pedagogiques.com/Une-classe-de-6eme-a-pedagogie-Freinet

[22Voir par exemple l’expérience de l’association ATD Quart-Monde, « En associant leurs parents à l’école, tous les enfants peuvent réussir ! »

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