Extrait du site du TA de Nice
« communiqué du 9 juin 2015
Saisi par l’intéressée, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision par laquelle la mère d’un élève, qui souhaitait conserver à cette occasion le voile qu’elle porte habituellement, n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire organisée par l’école élémentaire XXX de Nice.
Le tribunal administratif a estimé que les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés, comme les élèves eux-mêmes, comme des usagers du service public de l’éducation, de sorte que les restrictions à la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Il a constaté que, dans le cas particulier de cette affaire, l’administration avait refusé de donner suite à la proposition de l’intéressée d’accompagner la sortie scolaire en ne se prévalant ni d’une disposition légale ou règlementaire précise, ni de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Il en a déduit que la décision attaquée était entachée d’une erreur de droit qui la rend illégale. »
Extrait de la décision du tribunal administratif de Nice
« Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2013, présentée pour Mme D., demeurant à Nice (06000) par Me Guez Guez ; Mme D. demande au tribunal :
d’annuler la décision par laquelle elle n’a pas été autorisée à accompagner les élèves participant à la sortie organisée le 6 janvier 2014 par l’école élémentaire XXX de Nice ;
de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;elle soutient que :
la décision attaquée est insuffisamment motivée, notamment en droit ;
aucun texte n’interdit aux parents accompagnant une sortie scolaire d’exprimer de façon passive leurs croyances religieuses ;
la décision attaquée méconnaît le principe d’égalité ;Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2014, présenté par le recteur de l’académie de Nice, qui conclut au rejet de la requête au motif qu’aucun des moyens n’est fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2015, présenté pour Mme D. ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 mai 2015 :
le rapport de M. d’Izarn de Villefort, rapporteur
les conclusions de M. Laso, rapporteur public,
les observations de Me Guez Guez pour Mme D. ;Considérant ce qui suit :
- Par une mention inscrite le 16 décembre 2013 sur le carnet de liaison de son enfant, scolarisé en cours élémentaire deuxième année à l’école élémentaire XXX de Nice, MmeD. a été informée de ce que l’administration recherchait des parents désireux d’accompagner une sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014. Mme D. a fait connaître sur ce même document qu’elle était disponible pour participer à cet accompagnement et a interrogé l’administration sur la possibilité de conserver son voile à cette occasion. Il lui a été répondu par la même voie que « Nous n’avons malheureusement plus le droit d’être accompagnés par les mamans voilées. Vous ne pourrez nous accompagner que si vous l’enlevez. ». Mme D. demande au tribunal d’annuler cette décision.
- Les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés, comme les élèves, comme des usagers du service public de l’éducation. Par suite, les restrictions à la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Il ressort de l’énoncé même de la réponse apportée à la proposition de Mme D. d’accompagner la sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014 que l’administration a refusé d’y donner suite en ne se prévalant ni d’une disposition légale ou règlementaire précise, ni de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision procède d’une erreur de droit est fondé.
- Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, Mme D. est fondée à soutenir que la décision par laquelle elle n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014 par l’école élémentaire Jules Ferry de Nice est illégale et doit, par suite, être annulée.
- Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par Mme D. et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La décision par laquelle Mme D. n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire organisée le 6 janvier 2014 par l’école élémentaire XXX de Nice est annulée.
Article 2 : L’Etat versera à Mme D. une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme D. et à la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l’académie de Nice, à l’inspecteur de l’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale des alpes-maritimes et au directeur de l’école élémentaire XXX de Nice.Délibéré après l’audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :
M. Parisot, président, M. Pascal et M. d’Izarn de Villefort, premiers conseillers ;
Lu en audience publique le 9 juin 2015.La République mande et ordonne à la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. »