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« La construction des inégalités scolaires : une approche relationnelle et contextuelle », Un regard sociologique porté sur le quotidien de la classe ; zoom sur l’externalisation du travail personnel de l’élève, Patrick Rayou, université Paris 8

Texte issu de la prise de notes durant l’intervention à la formation de formateurs "De l’égalité des chances à l’égalité réelle : quels dilemmes pour l’école ?" le 2 avril 2012

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablejeudi 24 mars 2016

Point de vue du Réseau RESEIDA (Recherches sur la Socialisation, l’Enseignement, les Inégalités et les Différenciations dans les Apprentissages) qui a donné le jour au livre la construction des inégalités scolaires (Rochex et Crinon, dir.). A partir de ce point de vue, Patrick Rayou interroge l’externalisation du travail personnel des élèves à travers les "devoirs à la maison".

Enregistrement de l’intervention

(mp3 - 1h08)

Diaporama de l’intervenant

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I/ Une approche relationnelle et contextuelle de la production des inégalités scolaires

Une approche relationnelle :
Les acteurs scolaires ont tendance à externaliser la cause des inégalités, elles seraient produites à l’extérieur ou à l’échelon scolaire inférieure. L’approche relationnelle cherche à éviter la naturalisation d’un « handicap social, socio-cognitif et culturel » dont seraient porteurs certains élèves, en regardant comment l’école accentue ou diminue les inégalités d’apprentissages en regardant la relation entre les caractéristiques « socio-cognitives » et socio-langagières des élèves et les attentes, les réquisits de l’école. C’est au carrefour de ces 2 aspects que ce produisent des phénomènes différenciateurs qui s’accumulent en creusant des inégalité particulièrement irréversible dans le système éducatif français. (influence du sociologue Basil Bernstein : code restreint et code élaboré caractériseraient la manière de parler des milieux sociaux.). La culture scolaire dominante dans le second degré massifié, correspond à ce code élaboré que manient plus couramment les classes sociales favorisées. Les réquisits scolaires ont un caractère implicite. La réticence des élèves à s’engager dans des travaux à s’engager dans des tâches qui risquent de les mettre en échec est un phénomène marquant. On attend des élèves de la complexité, l’appropriation par la problématisation des tâches, ce qui caractérise la manière de parler des milieux moyens ou favorisés, sans construire explicitement ce langage avec les élèves des milieux défavorisés qui ne l’apprennent pas dans leur milieu familial.

Cela pose plusieurs questions :
- celle de l’invisibilité des pédagogies qui ne permettent pas à tous les élèves de comprendre ce qui est nécessaire pour apprendre
- celle de la dimension temporelle de l’école qui n’est pas la même que la temporalité des milieux populaires (Périer) : se tromper n’est pas grave si on se met dans une perspective d’apprentissage à long terme. 


Une approche contextuelle : les relations entre élèves et professionnels de l’école se noue dans des contextes scolaires particuliers : des contraintes de la situation de classe, des contextes sociaux et géographiques (l’école de la périphérie n’est pas l’école du centre-ville ou l’école rurale), des politiques éducatives qui produisent différents types de différenciation.

II/ Une entrée par les malentendus socio-cognitifs

- Des sous-entendus aux malentendus : on ne dit pas ce qu’on attend aux élèves, mais dire ne suffit pas ! 

- Des consignes trop ponctuelles : du sous-ajustement (ne dit pas ce qu’on attend aux élèves )au sur-ajustement (surguidage des fiches de travail qui ne permet pas de comprendre la globalité sous-entendue) 

- Expliciter, oui…, mais quoi : Effet « Topaze » (on donne la réponse à l’élève) et effet « Jourdain » (on met l’élève en réussite sans qu’il ait réellement appris)
- Des consignes concurrentes : « le métier d’élève » : Les élèves ne sont pas vierges de catégories sur le monde et ce ne sont pas forcément les catégories de l’école, il faut donc apprendre à les déconstruire à l’école
- Des conteneurs de malentendus socio-cognitifs : sous-estimation du cognitif et surestimation du social : « l’école sert à avoir un bon métier » du côté des élèves des milieux défavorisés ; ceux qui réussissent le moins à l’école sont ceux qui en attendent le plus. 

- Croyance des professionnels de l’école à la « métaphysique de l’exposition aux savoirs »
- Prégnance dans certains contextes des objectifs de pacification au détriment des objectifs d’apprentissages.

III/ Le cas de l’autonomie du travail des élèves et de l’externalisation

1/ Le contextuel : Le mouvement d’autonomisation, le paradigme puérocentriste et l’épreuve des devoirs

L’individu est de plus en plus construit comme responsable de lui-même, autonome dans son travail, avec un travail qui implique sa personne. La centration sur l’élève « au centre du système éducatif »

Les devoirs sont la manifestation de la capacité autonome des élèves. Ces devoirs ont été progressivement externalisés (hors de la classe, puis hors de l’école). Du coup les devoirs deviennent un enjeu transactionnel entre l’école et les familles (Glasman)… au détriment de la logique cognitive.

2/ Le relationnel :

- Faire cours (logique de la leçon) ou faire apprendre ?
- Prescrire ou prendre des indices (ce qu’on ne peut faire puisqu’on ne voit pas les élèves faire leur travail) ?
- Spécificités ou généricité ? 

- Les stratégies des élèves : s’acquitter et donner quitus, mais aussi dénaturer l’exercice.
- Les parents « partenaires » (Périer) : milieux populaires et conflits didactiques et curriculaires. Du vide au trop-plein des familles populaires (Kakpo) : les familles développent des didactiques familiales qui entrent en contradiction voire en conflits avec les didactiques scolaires.

Conclusion : la porosité de la forme scolaire

La forme scolaire peut être extrêmement dure, rigide mais elle est aussi puissante : elle imprégne la société, mais cela va aussi dans l’autre sens : la société et ses formes imbibent la forme scolaire.

Statuts ou apprentissages ? Comment fait-on apprendre à tel ou tel élève. Il faut suivre les boucles didactiques entre le collectif et l’individuel, entre le dedans et le dehors, pour comprendre ce qui se joue pour les élèves et maintient certains d’entre eux à distance des enjeux de savoir.

Bibliographie

- Bautier, É. & Goigoux, R. (2004). Difficultés d’apprentissage, processus de secondarisation et pratiques enseignantes : une hypothèse relationnelle. Revue française de Pédagogie, 148, 89-100. 

- Bautier, É. & Rayou, P. (2009). Les inégalités d’apprentissage. Programmes, pratiques et malentendus scolaires. Paris : PUF. 

- Bonnéry, S. (2007). Comprendre l’échec scolaire. Paris : La Dispute.
- Glasman, D. (avec la collaboration de Besson L.) (2005), Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école, LLS, Université de Savoie.
- Kakpo, S. (2012). Les devoirs à la maison, mobilisation et désorientation des familles populaires,Paris : PUF.
- Périer, P.(2005). École et familles populaires. Sociologie d’un différend. Rennes : PUR
- Rochex, J.-Y. & Crinon, J. (dir.) (2011). La construction des inégalités scolaires. Rennes : PUR.
- Rayou, P., (dir)(2009), Faire ses devoirs. Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire. (dir.). Rennes : PUR.

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