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« La construction des inégalités scolaires » L’ "invisibilisation" des enjeux de savoir dans les pratiques pédagogiques. Jean-Yves Rochex, université Paris 8

Texte issu de la prise de notes durant l’intervention à la formation de formateurs "De l’égalité des chances à l’égalité réelle : quels dilemmes pour l’école ?" le 3 avril 2012

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablejeudi 24 mars 2016

Cadre relationnel et contextuel de l’analyse du livre "La construction des inégalités scolaires".

Un questionnement autour d’analyses diachroniques autour des variations de la forme scolaire dans le temps.

Ce qui nous intéresse ce n’est pas tant les pratiques que les processus à l’œuvre dans l’évolution des pratiques. Ce n’est pas un livre qui s’attaque à des idéologies pédagogiques. L’analyse se fonde sur des observations de classes sur la durée, en croisant des regards sociologiques et didactiques, et en recherchant les récurrences au-delà de la spécificité disciplinaires des activités.

« Enregistrement » de l’intervention

On observe que les élèves ne fréquentent pas les mêmes univers de savoir dans la même classe et au cours de la même activité.

2 types de processus de différenciation qui se nouent autour de registres très différents

- différenciation passive : l’indifférence aux différences, le système éducatif sélectionne sur ce qu’il n’enseigne pas, on attend des élèves des choses que tous les élèves n’ont pas construites et qu’on ne construit ni n’explicite avec eux. Notamment, on n’explicite pas le rapport entre tâches et enjeux de savoir, la logique d’enchaînement des tâches…

ex 1 : activité de remise en ordre d’étiquettes pour reproduire une phrase modèle dans un atelier « en autonomie » en maternelle. Pour la maîtresse, c’est une activité de pré-lecture. Les élèves ne font pas la même chose en fonction de ce qu’ils ont compris qu’il fallait faire : pour certains, il s’agit de découper puis de faire un « puzzle », en copiant éventuellement sur les voisins, quand pour d’autres il s’agit de prendre des indices dans la phrase modèle pour organiser toute l’action, y compris le découpage. Au final, le résultat est juste pour tous les élèves (et c’est ce que voit la maîtresse en venant vérifier leur travail) mais tous n’ont pas eu la même activité intellectuelle. Seuls ceux qui ont une familiarité avec l’écrit en dehors de l’école, peuvent mobiliser ce qu’on attend d’eux.

Ex 2 : séquences de classe en CM2, on donne aux élèves une liste de mots en « té » ou « tié » à classer en fonction de leur genre et de leur terminaison. Pour l’enseignante, l’activité permettra de déterminer des règles issues de l’observation. On passe d’une activité support et prétexte à une activité qui prend la première comme objet de réflexion (secondarisation) mais de manière souvent peu explicitée. Mais cela ne va pas de soi pour tous les élèves : certains ne comprennent pas pourquoi on arrête le classement alors qu’ils n’ont pas encore fini de classer tous les mots.

On attend des élèves des choses qui nous semblent évidentes mais qui ne le sont pas forcément pour tous les élèves.

- différenciation active : modes d’adaptation des pratiques enseignantes aux difficultés réelles ou supposées des élèves qui renforcent encore les difficultés. On morcelle pour eux les tâches en micro-tâches qu’ils peuvent réussir mais cela ne les conduit pas à un apprentissage durable. A l’inverse une pédagogie du projet : le produit fini masque le fait que tous les élèves n’auront pas construit les mêmes apprentissages dans la réalisation du même projet (division du travail pour réaliser le projet où l’on sollicite les élèves en difficultés sur les tâches de bas niveau cognitif). Des formats d’interaction durables se nouent entre l’enseignant et certains élèves à leur insu.

Ex 1 : dans un travail sur un texte à l’imparfait, on travaille sur le repérage de l’imparfait et de ces 2 fonctions. L’enseignante demande successivement à chaque élève de lire un passage, de repérer les verbes à l’imparfait et de donner la fonction de cet imparfait. Charlotte, « bonne élève », doit lire une portion avec 8 verbes dont tous ne sont pas à l’imparfait. Awa, en difficulté, doit lire une portion avec un seul verbe qui est à l’imparfait. L’enseignante a donc le souci de ne pas mettre Awa en difficulté, mais ce faisant elle ne la confronte pas à un obstacle qui lui permettrait de construire un savoir sur l’imparfait et ses fonctions dans un texte.

On a tendance à mobiliser les élèves comme Charlotte sur des tâches qui font avancer la réflexion de la classe. Ceux comme Awa sont solliciter pour eux-mêmes, souvent sur le registre du comportement ou sur des tâches d’ordre matérielle. Charlotte et Awa ne fréquentent donc pas les mêmes univers de savoir. Cadrage faible sur les tâches cognitives et cadrage fort sur le comportement pour les uns et inversement pour les autres.

Sur le langage :

dans les classes considérées comme en difficulté, on n’utilise que rarement les mots des disciplines avec les élèves. Le registre langagier se cale sur les objets familiers sans être ressaisi sur un registre qui serait celui des savoirs disciplinaires. On privilégie le discours horizontal de la communication au détriment du discours vertical, instructeur, qui secondarise les expériences par la conceptualisation et la généralisation.

Rapport problématique entre tâches et contenus, on confond nécessité d’être actif intellectuellement et activité matérielle, on confond participation de tous et mobilisation de tous sur les enjeux de savoirs.

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