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« Langage et gestes professionnels en maternelle » En quoi les modalités d’intervention différenciées des enseignants participent-elles à la construction des inégalités ? Marceline Laparra, université de Lorraine et Mireille Delaborde, École d’application, Metz

Texte issu de la prise de notes durant l’intervention à la formation de formateurs "De l’égalité des chances à l’égalité réelle : quels dilemmes pour l’école ?" le 4 avril 2012

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article Version imprimablejeudi 24 mars 2016

Enregistrement de l’intervention

Les phénomènes qui sont décrits sont récents parce que les mécanismes de production des inégalités ont beaucoup évolués : ils ont moins de 20 ans. Pour observer ces phénomènes, il faut s’appuyer sur de vastes corpus que seul le numérique a permis de construire, et un enseignant ne peut pas les voir tellement ces processus sont invisibles et microscopiques. Il faut arriver à faire une description miscroscopique à partir du corpus.

Il y a bien des processus de production d’inégalité dans la classe au corps défendant des enseignants. Ces processus s’amorcent dès la moyenne section de maternelle et le collège ou le LP ne font que tenter de gérer les conséquences. Cela ne veut pas dire que c’est irréversible à condition de ne pas faire une psychologisation de leur comportement mais de didactiser leurs difficultés.

Ces processus sont indépendant du modèle pédagogique, de l’ancienneté de l’enseignant, du type de situation (en classe entière, en petits groupes, en aide individuelle) ou du type de tâche.

Les élèves qui ne réussissent pas à apprendre sont des enfants qui ne sont pas exposés à l’apprentissage tout en étant apparemment dans la même situation que les autres. Ils apprennent très tôt à donner l’illusion d’être en train d’apprendre. Le problème se pose non pas sur l’apprentissage de la lecture, mais sur le rapport à l’écrit.

L’école maternelle est contrainte par des pressions sociales qui la conduisent à enseigner trop tôt des choses pour lesquels les enfants ne sont pas forcément prêts et à faire réussir les enfants dans des tâches et à montrer la réussite de l’enfant aux parents. Et tous les enfants réussissent à faire les tâches demandées, mais tous n’apprennent pas pour autant. On les fait réussir au prix d’un malentendu : on transforme les objets de savoir en objets du monde, ils apprennent des routines d’action sans qu’ils comprennent ce qu’il y a à en apprendre.

Comment les usages scolaires de l’espace graphique génère des inégalités ?

Quelques exemples de surfaces murales en maternelle et éléments d’analyse des difficultés inhérentes à ces environnements.

On habille les supports écrits d’illustration lié à la culture de l’enseignant sans que le lien soit forcément explicité. La signification des localisations des affichages sont installés par des routines. On constate une accumulation « d’outils » jusqu’à la saturation. Les enfants ne sont pas forcément capable de repérer la signification des différents espaces graphiques.

L’adulte lettré « donne à voir » son expertise de l’écrit. Mais son expertise échappe à sa conscience, il ne sait pas comment serait le monde sans écrit, il ne se rend plus compte de tout ce qu’il faut mobiliser pour se repérer dans cet espace graphique parce que cela lui semble évident, « naturel ».

Parmi les phénomènes de naturalisation de l’écrit :
- une conception de l’écrit réduit à ses seules composantes alphabétiques (on oublie la composante spatiale)
- un usage fréquent, non commenté ni même désigné, des potentialités signifiantes de toute surface écrite qui permettent de classer et d’organiser un discours ou des représentations du monde (linéarisation, mise en page, jeux de couleurs ou de polices de caractère
- des délimitations entre unités textuelles
- des sauts de colonnes ou de lignes

Ce n’est pas parce qu’on affiche de l’écrit qu’on le structure pour tous les élèves. (cf Jack Goody, la raison graphique, la domestication de la pensée sauvage, 1979)

On pilote souvent le travail des élèves par des objets (étiquettes, couleurs, illustrations,…) dont on croit qu’ils signifient des mots mais dont on n’explicite jamais leur statut de mots.

Une colonne ne constitue pas une liste dans l’esprit des élèves si on ne le construit pas avec eux. La raison graphique, c’est pas automatique !

Des préconisations

- prendre conscience de sa propre expertise
- simplifier l’environnement graphique et pictural de la classe
- nommer par une métalangue tout ce qui les constituants de l’écrit mais aussi ce qui est muet (sens, espace vide, alignement)
- faire repérer les significations des différents constituants de l’écrit
- distinguer en situation quand l’écrit référe au langage ou quand il référe directement à une organisation du monde (classement alphabétique ou classement en fonction des catégories d’objets)
- nommer et commenter les catégories abstraites auxquelles renvoient les colonnes et les lignes, une organisation en tableau.

Conclusion

Notre expertise nous rend aveugle !

Ce n’est pas le déficit linguistique qui est la source de la difficulté, c’est la non-construction par l’école de l’usage formel de la langue à l’école pour tous les élèves.

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